La COVID-19 qui sévit dans certaines prisons du Québec est « un fait pertinent » dans l’évaluation de la libération d’un détenu, mais ne doit pas devenir « une microgestion des prisons par les tribunaux », et les règles de droit doivent continuer de s’appliquer.

Voici, en résumé, ce qu’a conclu le juge Guy Cournoyer de la Cour supérieure, en refusant ce matin de libérer un prévenu de l’Établissement de détention de Montréal (Bordeaux), où une éclosion de la COVID-19 est en cours. Celui-ci craint notamment de contracter le coronavirus s’il y demeure détenu.

Le prévenu, Johnny Samuel Videz-Rauda est incarcéré depuis son arrestation en novembre 2018 dans le démantèlement d’un réseau de présumés producteurs et trafiquants de cannabis.

Il a des antécédents de violence.

Il a présenté une requête en Cour supérieure pour être libéré en attendant la suite des procédures, arguant, entre autres, qu’il a déjà purgé une bonne partie de la peine qu’il anticipe recevoir, qu’il pourrait présenter une requête en vertu de l’Arrêt Jordan – qui limite la durée des procédures judiciaires – et qu’il a selon lui un risque de contracter la COVID-19 s’il reste à Bordeaux.

Videz-Rauda a notamment fait valoir que les autorités à Bordeaux ont failli dans leurs responsabilités de prévenir l’éclosion de la COVID-19 dans la prison, où plus de 33 détenus et 25 agents correctionnels ont contracté le coronavirus.

« Dans le contexte actuel d’une pandémie déclenchée par un virus inconnu dont les manifestations foudroyantes se révèlent au fur et à mesure à la plupart des autorités publiques du monde, il ne convient pas de se fonder sur la clairvoyance du gérant d’estrade et de remplacer la gestion de la pandémie par les autorités carcérales par la microgestion judiciaire des prisons », écrit le juge Cournoyer tout en soulignant qu’une prison doit prendre les mesures raisonnables pour éviter qu’une personne incarcérée soit exposée à un risque accru pour sa santé.

« La situation actuelle dans les prisons suscite les inquiétudes des détenus et des agents correctionnels. Nul ne saurait minimiser celles-ci ni les risques que pose l’éclosion du Covid-19 dans une prison. Ces risques sont bien réels ».

« Même en tenant pour acquis que le risque de contagion pour M. Videz-Rauda et les autres prévenus s’est accru en raison des choix qui ont été faits par les autorités correctionnelles de la prison de Bordeaux, rien n’établit, selon la preuve présentée, que les gestes posés et les mesures choisies ne s’avèrent pas acceptables à l’aune de l’ensemble des faits, et ce, même si le délai à le faire ne semble pas avoir toujours été optimal ».

« L’obligation qui incombe aux autorités correctionnelles est de faire preuve de diligence raisonnable par la mise en place de mesures raisonnables afin d’empêcher la transmission et la propagation du virus. L’échec des mesures mises en place n’établit pas nécessairement le caractère déraisonnable de celles-ci ».

« Les autorités publiques de la planète apprennent à gérer au quotidien un virus létal qui se manifeste sous des formes jusqu’alors inconnues ».

« Selon le droit constitutionnel et administratif canadien, il n’appartient pas aux tribunaux de se substituer aux choix des autorités correctionnelles », écrit encore le magistrat.

Le juge Guy Cournoyer croit que dans certaines circonstances, les dangers de contagion posés par la Covid-19 pourraient justifier la mise en liberté d’un prévenu en raison des risques accrus pour sa santé. Mais ce n’est pas le cas pour Videz-Rauda.

Le fait que ce dernier ait continué ses activités criminelles après l’exécution d’un mandat de perquisition et ses antécédents ont joué contre lui.

« Même en tenant pour acquis que le requérant se présentera à son procès, le profil de ce dernier, les récidives en semblables matières alors qu’il fait l’objet d’une enquête policière et l’irrespect des ordonnances judiciaires justifient de conclure que sa détention s’avère nécessaire pour assurer la sécurité du public », conclut le juge Cournoyer.

Pour joindre Daniel Renaud, compose-le (514) 285-7000, poste 4918, ou écrivez à drenaud@lapresse.ca