Décrit comme le « mastermind » d’un « stratagème frauduleux » de vente de cannabis, l’exploitant d’un réseau de cliniques qui permettait à ses clients d’obtenir des ordonnances sur Skype s’est éclipsé en Israël pour échapper à la justice. De là, il nargue les policiers en leur disant qu’ils ne pourront jamais l’attraper.

Depuis Israël, Albert Krespine, visé par un mandat d’arrêt, multiplie l’envoi de courriels aux policiers d’ici, qu’il nargue en leur disant qu’ils ne pourront jamais l’attraper. L’homme de 37 ans a aussi communiqué avec La Presse par Messenger. « Ils n’ont pas le bras assez long pour arriver ici », a-t-il écrit.

M. Krespine, qui se représentait sans avocat devant le tribunal avant de quitter le pays, affirme qu’il a six commerces liés au cannabis en activité sur le territoire montréalais.

Je continue d’opérer tous mes commerces à distance puisque le SPVM ne veut pas collaborer avec la SQ dans ce dossier ! C’est très clair. J’ai toute la preuve que ce que je fais est légal.

Albert Krespine, par Messenger

Arrêté en août dernier, M. Krespine fait face à des accusations de complot, de fraude et de complot en vue de faire le trafic de cannabis en lien avec l’Association des consommateurs de cannabis médical du Québec (ACCMQ), dont il serait le dirigeant. Le juge Louis Dionne, de la Cour supérieure, a ordonné en janvier dernier qu’il soit incarcéré en attente de son procès, après avoir constaté qu’il « avait poursuivi ses activités reliées au cannabis et à l’ACCMQ » en dépit d’une ordonnance contraire de la cour. Il est visé par un mandat d’arrêt depuis le début du mois de février.

« Prescriptions médicales frauduleuses »

La Couronne affirme qu’il se servait de cette association pour vendre des franchises de clinique, lesquelles recrutaient des patients en leur obtenant une ordonnance de cannabis thérapeutique « frauduleuse » leur permettant d’acheter du cannabis dans des commerces affiliés à l’ACCMQ. M. Krespine aurait mis en place un « stratagème dolosif » et des « supercheries élaborées » en « faisant croire aux franchisés que la vente et la distribution du cannabis [à ces patients] est légale et autorisée ». Les franchises n’avaient aucun permis de vente ou d’entreposage de cannabis.

Ainsi, « 233 membres ayant déboursé 200 $ pour adhérer à l’ACCMQ sous de fausses représentations se retrouvent maintenant avec des prescriptions médicales obtenues frauduleusement », a écrit la Couronne en décembre dernier, dans une requête visant à forcer la cour à incarcérer M. Krespine dans l’attente de son procès.

La requête ajoute que « 232 sur 233 prescriptions analysées furent émises par le docteur Adi Yoskovitch, chirurgien esthétique de Laval, le tout en contravention des ordonnances du Collège des médecins relativement à la prescription de cannabis à usage médical ».

Lors d’une brève conversation téléphonique avec La Presse, le Dr Yoskovitch a affirmé n’avoir « maintenant aucune affiliation avec M. Krespine ». Il a fait savoir par son avocat, Me Olivier Lessard, qu’il ne nous accorderait pas d’entrevue à ce sujet.

En novembre dernier, La Presse avait trouvé à vendre sur Kijiji une ordonnance de 50 grammes par jour signée par le Dr Yoskovitch. Le Collège des médecins avait demandé à la Direction des enquêtes de son syndic de se pencher sur ce cas. « La Direction des enquêtes m’indique aujourd’hui qu’elle se trouve à l’étape de recueillir des informations et de les analyser afin de voir s’il y a matière à ouvrir une enquête ou pas sur cette situation », a affirmé la porte-parole Leslie Labranche.

Aide-soignant

Sans préciser ses intentions pour la suite des choses, Albert Krespine maintient qu’il a agi en toute légalité, puisque le concept de ses cliniques est basé sur le principe d’« aides-soignants » et qu’il a en mains un avis juridique favorable le démontrant.

Je n’attendrai pas en prison en attendant que les juges comprennent les nouvelles lois fédérales [sur le cannabis], lol.

Albert Krespine, par Messenger

La Sûreté du Québec a indiqué qu’elle n’avait pas l’intention à ce stade de demander un mandat d’arrêt international. La Couronne demande au tribunal de mener le procès en l’absence de l’accusé, même si la chose est inhabituelle.

La suite du procès est prévue pour le 27 avril. M. Krespine a déjà été condamné pour trafic de stupéfiants. Il a aussi écopé de peines pour vol de carte de crédit, création de documents contrefaits, fraudes, possession de biens criminellement obtenus et possession de cannabis, selon le plumitif.