Le ministère public fait appel de l’acquittement de l’ancien grand patron de la Sûreté du Québec (SQ) et de deux ex-membres de l’état-major sur les chefs de fraude et d’abus de confiance. La juge du procès a commis des erreurs de droit sur de nombreux éléments, avance le Directeur des poursuites criminelles et pénales.

L’ex-directeur général Richard Deschesnes, l’ex-directeur adjoint Steven Chabot et l’ancien inspecteur-chef Alfred Tremblay ont été acquittés sur toute la ligne le mois dernier de trois chefs d’accusation de fraude, de vol et d’abus de confiance au terme de deux ans et demi de procès au palais de justice de Montréal.

Les hauts gradés Steven Chabot et Alfred Tremblay ont reçu respectivement 167 931 $ et 79 887 $ en mars 2010 provenant des Dépenses secrètes d’opération (DSO) de la SQ, un fonds secret qui échappe à toute reddition de comptes. Des versements autorisés par le grand patron Richard Deschesnes.

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L'ex-directeur adjoint de la Sûreté du Québec, Steven Chabot.

Selon M. Chabot, ce montant représentait un dédommagement pour avoir accepté de demeurer dans l’état-major de la SQ, alors que pour M. Tremblay, le chèque constituait un dédommagement pour le préjudice subi dans une affaire de harcèlement.  

La Couronne avançait plutôt que les ententes avaient été négociées « clandestinement » pour la retraite des hauts gradés, alors que M. Tremblay avait envoyé au premier ministre de l’époque des lettres susceptibles de mettre la SQ et le gouvernement dans l’embarras.

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L’ancien inspecteur-chef de la Sûreté du Québec, Alfred Tremblay.

La juge Josée Bélanger a rejeté en grande partie la version de la Couronne et a adhéré à l’essentiel du témoignage des accusés. Les ententes de MM. Chabot et Tremblay étaient « légitimes » et dans « l’intérêt ultime » de la SQ, même si elles n’étaient pas « nécessairement légales ».  

« La conclusion des ententes […] de même que l’utilisation des DSO s’apparentent à de mauvaises pratiques administratives qui se sont installées à la SQ et se sont perpétuées jusqu’à l’époque des infractions », a conclu la juge Bélanger.

Dans leur avis d’appel, la Couronne soutient que la juge Bélanger a erré en droit sur plusieurs éléments, notamment en interprétant de façon erronée la « croyance subjective des accusés relatif au caractère moral ou honnête ». Selon le DPCP, cette croyance n’est pas un moyen de défense dans une accusation de fraude.

Aussi, la juge a adopté une « contextualisation erronée en droit » de la personne raisonnable dans l’application de la « norme objective permettant de définir l’acte prohibé » et a erré en « concluant que les sommes versées illégalement aux accusés ne constituent pas une privation à l’égard du public ».

Le ministère public exige ainsi de substituer les verdicts d’acquittement par des verdicts de culpabilité sur les chefs de fraude et d’abus de confiance. Le chef de vol de plus de 5000 $ n’est pas visé par l’avis d’appel du DPCP.