Qui, chez SNC-Lavalin, contrôlait vraiment ce que tramait la firme en Libye ? Le témoin vedette de la Couronne a été mitraillé de questions à ce sujet en contre-interrogatoire, au procès de Sami Bebawi, ancien vice-président de l’entreprise.

M. Bebawi est accusé de corruption d’agent étranger et de fraude. La théorie de la Couronne est que sous le règne du président Mouammar Kadhafi, M. Bebawi a participé au versement de pots-de-vin à Saadi Kadhafi, fils du président, afin d’aider l’entreprise à se faire payer des extras et à obtenir de nouveaux contrats en Libye.

Le témoin vedette de la Couronne, Riadh Ben Aissa, est un ancien subalterne de M. Bebawi. Il a passé du temps en détention en Suisse pour des accusations similaires avant de signer une entente de collaboration avec la justice canadienne.

Depuis le début du procès, M. Ben Aissa a raconté au jury comment il a personnellement participé au versement de millions de dollars à Saadi Kadhafi. Il a expliqué qu’il lui avait même acheté un yacht d’une valeur de 25 millions US, grâce aux fonds que son employeur lui avait versés dans un compte en Suisse.

Il a répété plusieurs fois que son supérieur était au courant de tout. « J’ai informé Sami Bebawi de toutes mes actions, c’est mon supérieur hiérarchique. »

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le témoin vedette de la Couronne, Riadh Ben Aissa, est un ancien subalterne de M. Bebawi.

« Tout ce qui se passait en Libye, j’en informais Sami Bebawi, qui en parlait à l’interne et me revenait. »

« Il était au courant de tout ce qui a été fait », a-t-il déclaré.

Déclarations passées et courriels

En contre-interrogatoire, les avocats de l’accusé, Mes Alexandre Bien-Aimé et Annie Émond, ont toutefois confronté le témoin à des déclarations passées et des courriels qui semblaient indiquer qu’il disposait d’une large autonomie pour gérer les affaires de SNC-Lavalin dans le pays d’Afrique du Nord.

« Je suis le seul à décider ce que j’ai besoin pour la Libye et je n’ai besoin d’aucune autorisation préalable dans mes actions », écrivait ainsi M. Ben Aissa dans un courriel que Me Bien-Aimé lui a remis sous les yeux.

« Quand je donne des instructions à Montréal, je veux qu’elles soient exécutées immédiatement », lisait-on aussi dans le message de M. Ben Aissa.

Les avocats de la défense ont aussi ressorti une vieille déclaration que Riadh Ben Aissa avait faite à la GRC en 2013. Le témoin collaborateur avait raconté aux policiers que Jacques Lamarre, PDG de SNC-Lavalin, avait dit à Sami Bebawi de le laisser tranquille en ce qui avait trait à la Libye.

« Et si je vous suggère que c’est vous qui aviez le plein contrôle sur les activités en Libye ? », a avancé Me Bien-Aimé.

« Non », a répondu le témoin.

« Je passais par Sami Bebawi, je n’ai jamais bypassé Sami Bebawi, et lui-même ne l’aurait jamais toléré », a répondu M. Ben Aissa, sûr de lui.