Un tribunal militaire américain a finalement désigné les trois juges qui doivent entendre la cause du Canadien Omar Khadr, qui fait appel de ses condamnations pour crimes de guerre, ce qui laisse présager une issue prochaine dans cette saga qui dure depuis des années.

Il y a quelques jours à peine, un tribunal civil a ordonné au gouvernement américain de répondre à la requête pressante de M. Khadr pour obtenir une audition en appel.

Sam Morison, son avocat américain, soutient que c’est le département de la Défense qui s’opposait à ce que l’appel de M. Khadr soit entendu, parce que le Pentagone le considère comme un fugitif.

« Comment M. Khadr peut-il être un fugitif ? Ils l’ont transféré au Canada ! », a déclaré M. Morison mercredi, depuis la Virginie. « Ils savent que leur cause n’est pas solide (alors) ils essayent par tous les moyens d’éviter de plaider en appel. »

M. Khadr, originaire de Toronto, tente de rétablir sa réputation depuis que les Américains l’ont transféré au Canada en septembre 2012. En novembre 2013, il a contesté en appel la validité de ses déclarations de culpabilité faites devant une commission militaire américaine largement décriée de par le monde.

Des soldats américains avaient capturé le jeune Canadien, alors âgé de 15 ans et grièvement blessé, à la suite d’un échange de coups de feu en Afghanistan, en juillet 2002. Au cours de cet échange, un soldat des forces spéciales américaines avait été tué et un autre blessé. Quelques mois plus tard, Omar Khadr a été transféré dans la tristement célèbre prison militaire américaine de Guantanamo Bay, à Cuba.

En octobre 2010, devant une commission militaire américaine, il a plaidé coupable de cinq crimes de guerre présumés et a été condamné à huit autres années de prison. Il a plus tard soutenu qu’il n’avait plaidé coupable que pour quitter enfin Guantanamo.

On ne veut rien entendre

L’argument en appel de M. Khadr — corroboré par certains tribunaux américains — est que la commission militaire l’a reconnu coupable de gestes qui n’étaient pas des crimes à l’époque où il les aurait commis. Mais le Tribunal de révision des commissions militaires a toujours refusé d’entendre sa cause en appel.

Ce refus empêche M. Khadr, qui a eu 33 ans la semaine dernière, de porter son combat devant un tribunal d’appel civil, où les règles de preuve normales s’appliquent.

Le mois dernier, M. Khadr a demandé à la Cour d’appel américaine du District de Columbia de forcer le Tribunal de révision des commissions militaires à entendre son appel. La Cour d’appel a donné vendredi dernier 30 jours au gouvernement américain pour répondre, mais le Tribunal de révision a finalement nommé mardi trois juges chargés d’entendre l’affaire. On ignore toutefois à quel moment M. Khadr pourra obtenir une audience.

Sa cause a pris une tournure éminemment politique en juillet 2017, lorsque le gouvernement canadien lui a versé 10,5 millions pour violation de ses droits constitutionnels. La Cour suprême avait auparavant conclu que le gouvernement avait laissé tomber le jeune Canadien pendant sa longue détention à Guantanamo.

M. Khadr, toutefois, reste officiellement une personne reconnue coupable de crimes de guerre. Sa condamnation est au centre d’une poursuite civile intentée par la veuve du soldat des forces spéciales américaines mort en Afghanistan et par son compagnon d’armes rendu aveugle au cours de cet affrontement. Un tribunal de l’Utah leur a octroyé 134 millions sur la base des aveux et de la condamnation de M. Khadr devant la commission militaire. Ils tentent toujours de faire appliquer ce jugement au Canada — la cause devrait se poursuivre en novembre.

Omar Khadr s’est marié et vit à Edmonton sans restrictions. Un tribunal albertain avait ordonné sa libération sous caution en avril 2015, en attendant le règlement de son appel aux États-Unis, mais la cour a finalement décidé, au début de cette année, que M. Khadr avait purgé sa peine et elle l’a libéré sans condition.