(Calgary) La Cour fédérale a accordé au gouvernement de la Colombie-Britannique une injonction temporaire contre la loi albertaine qui aurait pu limiter les exportations de pétrole vers d’autres provinces.

Le juge Sébastien Grammond a conclu que la « Loi visant à préserver la prospérité économique du Canada » adoptée par l’Alberta posait un problème grave et causerait un préjudice irréparable.

Le juge a estimé que « le préjudice irréparable que subirait la Colombie-Britannique si l’injonction n’est pas accordée surpasse de loin tout inconvénient que l’injonction pourrait imposer à l’Alberta ».

La Cour fédérale conclut donc que la Colombie-Britannique a « satisfait le critère que les tribunaux appliquent habituellement pour émettre une telle injonction », qui suspend la loi jusqu’à ce que les tribunaux puissent décider sur le fond de sa validité.

La loi donne à l’Alberta le pouvoir de « fermer le robinet » sur ses exportations d’hydrocarbures. Elle avait été adoptée par l’ancien gouvernement néo-démocrate de Rachel Notley, qui ne l’a jamais mise en vigueur, afin de faire pression sur le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique pour qu’il abandonne sa contestation de l’accroissement de Trans Mountain. L’oléoduc achemine du pétrole des sables bitumineux de l’Alberta jusque sur la côte ouest, pour exportation, et le projet permettrait d’augmenter sa capacité.

Le nouveau gouvernement conservateur de Jason Kenney a mis en vigueur la loi immédiatement après son assermentation, en avril, mais le premier ministre a prévenu qu’il ne l’invoquerait pas à moins que la Colombie-Britannique ne tente d’empêcher l’expansion de l’oléoduc.

La Colombie-Britannique a qualifié cette loi de « pistolet chargé » et a demandé aux tribunaux de s’assurer que le coup ne parte pas accidentellement.

Oléoduc acheté par Ottawa

Le juge Grammond conclut que la Colombie-Britannique « a montré qu’un embargo, de la nature de celui évoqué par les membres de l’Assemblée législative de l’Alberta lors des débats sur la Loi, causerait un préjudice irréparable aux résidents de la Colombie-Britannique ». Il rejette par ailleurs l’argument albertain selon lequel ce préjudice est « spéculatif », car « il est raisonnablement certain et son déclenchement dépend entièrement de la volonté de l’Alberta ».

L’accroissement de la capacité de l’oléoduc Trans Mountain, approuvé pour la première fois par Ottawa en 2016, permettrait de tripler la quantité de pétrole des sables bitumineux acheminé vers la Colombie-Britannique, puis vers de nouveaux marchés lucratifs en Asie. L’année dernière, le gouvernement fédéral a acheté l’oléoduc existant pour 4,5 milliards, lorsque son propriétaire, la société texane Kinder Morgan, a menacé de jeter l’éponge en raison de la résistance de la Colombie-Britannique.

Mais quelques mois plus tard, la Cour d’appel fédérale a annulé le feu vert d’Ottawa, au motif que les consultations avec les Premières Nations n’avaient pas été suffisantes et que l’impact éventuel de l’oléoduc augmenté sur la faune marine n’avait pas été adéquatement pris en compte dans l’évaluation. Après avoir répondu à ces exigences, le cabinet fédéral a finalement approuvé le projet d’expansion une deuxième fois l’été dernier.

De passage mardi en Colombie-Britannique, justement, le chef libéral Justin Trudeau a refusé de s’immiscer dans un litige entre deux provinces, mais il a assuré qu’un gouvernement libéral allait toujours veiller à l’intérêt national.

« C’est pour ça qu’on est en train d’assurer de la rigueur dans nos évaluations environnementales, qu’on fasse des partenariats avec les communautés, particulièrement les communautés autochtones, et qu’on veille à ce qu’on soit en train de réduire nos émissions de gaz à effet de serre tout en créant des emplois et des opportunités économiques pour tout le monde », a dit M. Trudeau lors d’une étape de campagne à Burnaby, où il promettait une cible de « zéro émission nette » de gaz à effet de serre d’ici 30 ans au Canada.