(Ottawa) Un comité de sénateurs a approuvé des modifications à un projet de loi visant à mettre fin à l’isolement cellulaire dans les prisons canadiennes — y insérant l’imposition d’une durée maximale de 48 heures pour laisser en isolement un détenu.

Un certain nombre d’organisations de défense des droits de la personne avaient exprimé leurs inquiétudes à propos du projet de loi C-83 des libéraux, plaidant qu’il n’offrait qu’un changement esthétique de l’isolement cellulaire, sans limitation dans la durée de l’isolement ou de la séparation des détenus. Le projet de loi actuel impose de telles restrictions.

La sénatrice Kim Pate, qui avait demandé que le projet de loi soit entièrement abandonné, a pu faire adopter plusieurs amendements cette semaine, notamment celui qui ajoute une durée maximale de 48 heures durant laquelle un détenu peut être placé dans une « unité d’intervention structurée ».

Cette modification prévoit aussi qu’un juge devrait approuver toute prolongation au-delà des 48 heures.

En octobre dernier, le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, annonçait que le projet de loi C-83 mettrait fin à la pratique consistant à séparer les prisonniers qui posent un risque pour la sécurité ou pour eux-mêmes. La pièce législative faisait suite aux recommandations de l’enquête du coroner concernant le décès d’Ashley Smith en 2007.

Ashley Smith, alors âgée de 19 ans, s’est étranglée dans une cellule d’isolement à l’Établissement Grand Valley de Kitchener, en Ontario, sous les yeux de gardiens de prison. Elle avait passé plus de 1000 jours en isolement avant sa mort.

Les détenus qui représentent un risque seront plutôt transférés dans de nouvelles « unités d’intervention structurées », où ils devraient avoir un meilleur accès à des programmes et des soins de santé mentale.

Constitutionnalité du projet de loi

Josh Paterson, directeur général de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, affirme que l’amendement imposant une durée maximale à l’isolement représente « un pas énorme en avant pour tenter de garantir la constitutionnalité de ce projet de loi ».

Son organisation faisait partie des nombreux experts et groupes qui disaient croire que le projet de loi ne passerait pas le test des tribunaux.

Tant la Cour suprême de la Colombie-Britannique que la Cour supérieure de l’Ontario ont rendu des décisions dans lesquelles elles qualifiaient l’isolement cellulaire d’inhumain. Dans le cas de l’Ontario, le tribunal a statué que l’isolement serait inconstitutionnel s’il dépasse cinq jours. Ces deux jugements font l’objet d’un appel.

Un autre amendement qui a été adopté au Sénat autoriserait les services correctionnels à faire en sorte que les groupes autochtones et les organisations communautaires fournissent davantage de services de soutien pour aider les prisonniers appartenant à des populations vulnérables à se réinsérer dans la communauté après leur libération.

Abolir les « unités d’intervention structurées » ?

La sénatrice Josée Forest-Niesing a également tenté de présenter un amendement qui aurait, essentiellement, abrogé la totalité de l’article du projet de loi qui instaure les unités d’intervention structurées.

Plusieurs sénateurs ont hésité à voter pour cet amendement, qui équivaudrait selon certains à vider le projet de loi de son contenu. L’amendement a été retiré, en attendant d’en débattre avec le Sénat en entier pour la troisième lecture.

Mme Pate a l’intention d’appuyer cette mesure lorsqu’elle fera l’objet de débats.

« J’espère que nous irons beaucoup plus loin et travaillerons pour mettre réellement un terme aux pratiques d’isolement, en particulier pour les femmes, pour qui cela peut causer un préjudice irréparable, qui peut équivaloir à de la torture », a-t-elle déclaré mercredi.

« À tout le moins, cependant, nous devons respecter les exigences minimales que les tribunaux ont définies comme impératifs constitutionnels. Autrement, ce serait renoncer à notre devoir de sénateurs. »

Les amendements du comité devront être acceptés par le Sénat, puis ensuite par la Chambre des communes, pour que finalement le projet de loi entre en vigueur.