La Sûreté du Québec (SQ) croit que le clan des Siciliens de la mafia montréalaise pourrait être derrière le meurtre de Salvatore Scoppa, abattu sous les yeux de plusieurs témoins sidérés dans le lobby du très achalandé Hôtel Sheraton de Laval, samedi soir.

« Disons que pour le moment, c’est l’hypothèse qui se retrouve au sommet de la liste. Mais l’enquête ne fait que commencer. Il y a d’autres hypothèses, et les choses pourraient changer en cours de route », a déclaré hier à La Presse une source policière qui a requis l’anonymat.

La police ne croit toutefois pas que l’individu lié au clan Rizzuto qui se trouvait dans une autre salle de réception de l’hôtel samedi soir, pour un mariage, soit lié au crime.

La SQ semble déjà vouloir écarter la possibilité que Salvatore Scoppa ait été tué pour une affaire d’importation de cocaïne qui aurait expliqué son séjour au Pérou il y a quelques mois.

Deux personnes ont dit à La Presse que la fête familiale à laquelle prenait part Salvatore Scoppa samedi soir a été organisée à l’occasion de la confirmation de l’un de ses enfants mais cette information n’a pu être confirmée auprès de la SQ.

Au moment où il a été tué, Scoppa aurait été accompagné par un garde du corps, qui n’a toutefois rien pu faire. 

Des sources ont évoqué que Salvatore Scoppa, réputé pour être constamment à l’affût, voire paranoïaque, a peut-être baissé la garde samedi soir, car les chances qu’il soit abattu dans le lobby d’un hôtel, devant des témoins et durant une fête familiale, étaient, aurions-nous pu logiquement le penser, plutôt minces. Mais les choses ont bien changé au fil des ans au sein de la mafia.

Les enquêteurs ont commencé à visionner des vidéos captées par les caméras de surveillance de l’hôtel.

Peu de détails filtraient à propos des deux suspects, le tireur et un autre homme, qui se trouvaient bien dans le lobby lorsque le crime a été commis. On ignore également si les visages des individus étaient cachés ou non. 

Un peu de contexte

Salvatore Scoppa était le frère d’Andrew Scoppa, considéré par la police comme un influent chef de clan de la mafia montréalaise.

Les Scoppa ont commencé à se faire connaître au début des années 90. Selon la police, ils étaient alors impliqués dans le commerce d’héroïne et de cocaïne, et auraient contrôlé des secteurs dans Parc-Extension, le Mile End et l’est de Montréal. Leur commerce ne se serait toutefois pas fait sans conflits avec d’autres trafiquants. Selon des documents policiers, Andrew Scoppa aurait été la cible de trois attentats à la bombe au milieu des années 90.

Les Scoppa, comme quelques clans encore actifs au sein de la mafia, ont toujours eu la réputation d’être indépendants, mais ils n’en étaient pas moins des alliés des chefs de la mafia montréalaise, les Rizzuto (Siciliens).

Après l’arrestation de Vito Rizzuto en 2004, les Scoppa seraient demeurés neutres dans la tentative de putsch menée contre les Siciliens en l’absence du parrain, alors détenu aux États-Unis. 

Au retour de Vito Rizzuto à Montréal à partir de l’automne 2012, les policiers ont observé le parrain en compagnie d’Andrew Scoppa à quelques reprises, selon des documents judiciaires.

En décembre 2013, quelques jours avant de mourir, Vito Rizzuto aurait convoqué, chez lui à Laval, quelques membres influents de la mafia, dont Salvatore Scoppa, pour les inviter à faire la paix, ont confié des sources policières à La Presse.

Mais des tensions seraient ensuite apparues entre les Scoppa et ceux qui ont pris la relève du parrain. En 2015, les chefs du clan des Siciliens ont discuté de la possibilité d’éliminer Salvatore Scoppa lors d’une conversation captée au bureau de l’ancien criminaliste Loris Cavaliere.

En 2016, trois mafieux influents, dont Rocco Sollecito, père de Stefano Sollecito, chef intérimaire de la mafia, ont été tués et la police a soupçonné Salvatore Scoppa d’avoir été impliqué dans au moins l’un de ces meurtres, même s’il n’a jamais été accusé.

Les relations entre Salvatore et Andrew Scoppa n’étaient pas tous les jours au beau fixe, selon plusieurs sources des milieux policiers, judiciaires et criminels.

« On verra si les liens du sang sont plus forts », a conclu une source proche du milieu criminel.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.