Le père de la fillette de 7 ans morte mardi à Granby, après avoir été retrouvée ligotée dans la maison familiale, avait admis lui-même, il y a quelques mois, qu’il craignait d’« exploser », parce que sa conjointe et lui ne parvenaient pas à avoir de l’aide pour s’occuper de la petite fille au « caractère difficile ».

« Malgré le nombre d’appels à l’aide qu’on a faits un peu partout, à nos anciens intervenants de la DPJ, aux travailleurs sociaux du CLSC, aux médecins, on n’a pas eu d’aide. On disait : “Un jour, il y a quelque chose qui va arriver, on va exploser. On n’est plus capables, on a besoin d’aide.” Mais on n’en a pas eu », a affirmé l’homme de 30 ans en cour, au palais de justice de Granby, le 30 juillet dernier.

Le père, maintenant détenu à la suite de la mort de sa fille, témoignait alors en faveur de sa conjointe : la belle-mère était accusée de voies de fait sur l’enfant, à la suite de gestes violents commis en septembre 2017. La femme de 35 ans avait frappé la fillette et lui avait tiré les cheveux, alors que le couple était rentré ivre d’une soirée dans un bar.

Elle a plaidé coupable et a bénéficié d’une absolution inconditionnelle.

Elle et son conjoint feront sans doute face à de nouvelles accusations en lien avec la mort de la petite fille. Mardi, ils ont été accusés de séquestration et la belle-mère, de voies de fait graves contre l’enfant, qui est ensuite morte dans la soirée de mardi, le lendemain de son admission à l’hôpital.

La fillette et son petit frère de 5 ans étaient retournés vivre avec leur père il y a quatre ans, malgré l’opposition de leur grand-mère paternelle, qui s’était occupée d’eux depuis leur naissance à la demande de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).

La grand-mère avait fait valoir qu’elle considérait son fils comme inapte à s’occuper de ses enfants en raison de ses antécédents de troubles de santé mentale, mais ses inquiétudes n’ont pas modifié la décision des autorités de la protection de la jeunesse (voir l’article « Une mère et une grand-mère en colère »).

Graves difficultés

Le couple semblait avoir de graves difficultés à s’occuper des enfants, mais la DPJ avait cessé de superviser la famille, même après l’intervention de la police en 2017 et les accusations de voies de fait contre la belle-mère.

À la suite de cet épisode de violence, le père a dû quitter la résidence familiale avec sa fille, puisque sa conjointe n’avait plus le droit d’être en contact avec l’enfant. Il avait besoin de la supervision de la DPJ pour pouvoir revenir à son domicile, mais il aurait eu beaucoup de mal à obtenir des services.

« Ça a pris du temps pour que la DPJ intervienne dans le dossier. Je les ai harcelés. Il a fallu que je me présente au bureau et que je leur dise : “Là, vous me donnez un intervenant.” Ça ne pouvait plus attendre », a-t-il témoigné devant le juge Érick Vanchestein, avant que sa conjointe reçoive sa peine.

Au cours de son témoignage d’une quinzaine de minutes, le père a répété quatre fois que « ça aurait aussi bien pu être [lui] qui pose les gestes » reprochés à sa conjointe. « J’ai seulement de vagues souvenirs de cette soirée parce que j’étais en boisson moi aussi », a-t-il dit, admettant qu’ils étaient tous les deux excédés par le caractère difficile de la fillette, alors âgée de 6 ans.

« On parle de grosses crises, de comportements d’automutilation. Elle pouvait prendre [ses selles] et les étendre sur les murs. C’est vraiment une petite fille très difficile. »

— Le père de la fillette, devant le tribunal

Il a aussi raconté que la mère des enfants les voyait très peu, et que sa propre mère s’était alliée avec son ex-conjointe contre lui, ce qui rendait la situation encore plus difficile.

« J’aurais dû être à la hauteur »

À la suite de ses demandes répétées, le père aurait reçu l’aide d’un intervenant de la DPJ, ce qui lui a permis de retourner à la maison avec sa fille. L’enfant aurait aussi obtenu une référence en psychiatrie.

Le comportement de la petite s’était amélioré, affirmait-il en juillet dernier, et sa conjointe et lui avaient cessé de consommer de l’alcool, ce qui contribuait à un meilleur climat familial.

La belle-mère s’est brièvement exprimée devant le juge. « Même si c’est une enfant difficile, c’est dur pour mon orgueil ce qui s’est passé, parce que j’aurais dû être à la hauteur », a-t-elle admis.

En acceptant de lui accorder une absolution inconditionnelle, ce qui lui évitait un casier judiciaire, le juge Vanchestein a fait remarquer à l’accusée qu’il s’agissait d’une peine exceptionnellement clémente, malgré le fait que les gestes de violence commis à l’endroit d’une jeune enfant constituaient un facteur aggravant.

« Je tiens compte du fait que la vie n’est pas un long fleuve tranquille, mais surtout de votre reprise en main, a souligné le magistrat. Pour votre avenir, et sans nuire à l’intérêt public, j’accepte de vous absoudre inconditionnellement sans frais. »

— Avec la collaboration de Daniel Renaud, La Presse