Une autre histoire mettant en lumière l'épuisement des proches aidants se retrouve devant le tribunal : un homme ayant causé la mort de son frère atteint de démence en le « rentrant dans le mur » violemment, après avoir perdu patience, risque huit ans d'emprisonnement.

C'est la peine que le ministère public a demandée ce matin pour Robert Dubuc, qui s'occupait depuis plusieurs années de son frère Richard, tandis que l'avocat de l'accusé estime qu'il n'a rien à faire en prison.

L'homme de 65 ans a plaidé coupable à une accusation d'homicide involontaire en novembre dernier. Il a admis qu'il était parfois violent pour maîtriser son frère, qui souffrait notamment d'alzheimer et de troubles psychotiques lui causant des hallucinations.

Le cas de Michel Cadotte, cet homme reconnu coupable d'homicide involontaire pour avoir étouffé avec un oreiller sa femme atteinte d'alzheimer, a été évoqué devant le juge Marc David. Les mêmes peines ont été suggérées par les deux parties à l'issue du procès de M. Cadotte, pour qui la sentence est attendue le 28 mai.

Les deux hommes étaient des aidants naturels qui prenaient soin d'un proche malade depuis plusieurs années.

« J'ai pété une coche »

Alors que Richard Dubuc était en crise, en octobre 2017, son frère Robert a voulu le contrôler en lui faisant une clé de bras et en le plaquant contre le mur, comme il le faisait souvent. Mais cette fois, le frère de 62 ans a subi un traumatisme crânien mortel.

« J'ai pété une coche, je suis allé trop loin », a dit Robert Dubuc quand il a appelé le 911, une heure et demie plus tard.

L'état de son frère, avec qui il avait une relation symbiotique, se détériorait depuis plusieurs semaines, et tous les deux dormaient peu. Au bout du rouleau, l'accusé avait demandé une place en CHSLD pour son frère, qui devait déménager deux mois plus tard.

« Est-ce qu'il a utilisé une méthode appropriée pour contenir son frère ? Non, mais ça faisait partie de son quotidien », a souligné Me Louis Miville-Deschênes, avocat de Robert Dubuc, dans sa plaidoirie. « Il n'avait aucune intention autre que de tenter de le maîtriser. »

En raison de son état de santé, le cerveau de Richard Dubuc était plus fragile, ce qui a sans doute contribué à son décès, a ajouté l'avocat.

Après le drame, Robert Dubuc a été détenu pendant quatre mois. Inutile de l'envoyer plus longtemps derrière les barreaux, puisqu'il n'est pas un danger pour la société, selon Me Miville-Deschênes. Il a seulement besoin d'aide pour faire son deuil.

Pas comme le cas Cadotte

Même s'il était épuisé, désespéré, peut-être même dépressif, la responsabilité de l'accusé est entière, d'autant plus que son frère était vulnérable et dépendait de lui pour tous ses besoins, a plaidé de son côté la procureure de la Couronne, Me Amélie Rivard.

« L'accusé était conscient qu'il avait atteint ses limites, mais a refusé les ressources d'aide qui lui ont été suggérées, a-t-elle fait valoir. Je ne dis pas que sa situation était facile ni simple, en raison de l'état de santé de son frère. Mais il avait fait le choix de s'en occuper. »

Son cas est différent de celui de Michel Cadotte, selon elle. « Ici, l'accusé ne souhaitait pas abréger les souffrances de son frère, on n'est pas dans un cas de suicide assisté. Il a perdu patience et a commis un geste violent », a dit l'avocate.

Elle a comparé cette histoire à celle d'un bébé secoué : comme un bébé, Richard Dubuc ne dormait pas la nuit, criait, refusait parfois de manger, portait des couches. Et son frère a agi comme un père à bout de patience qui secoue son enfant et provoque sa mort.

« Malgré toute la compassion qu'on peut avoir, il faut dissuader de tels gestes », a souligné Me Rivard.

Le juge Marc David prévoit rendre sa sentence le 19 juin.