Frédérick Gingras, cet homme gravement malade qui avait tué deux personnes sans raison au cours d'une cavale meurtrière en décembre 2016, a plaidé coupable à deux chefs d'homicide involontaire jeudi matin.

Suivi en psychiatrie depuis sa tendre enfance, interné à de nombreuses reprises, tombé dans la consommation de drogues à outrance, diagnostiqué tardivement comme schizophrène, torturé par des hallucinations constantes, l'accusé avait démontré de nombreux signes avant-coureurs qui laissaient présager un drame.

«C'est un jeune homme qui souffre depuis des années [...]. Monsieur a été un peu échappé par le système», a déploré son avocat,Me Kaven Morasse, après l'audience.

Dès le lendemain de sa cavale funeste, sa mère avait confié à La Presse avoir demandé à plusieurs reprises qu'il soit interné, en vain. «Il devrait être en institution depuis longtemps, ce n'est pas normal de l'avoir laissé dehors», rageait-elle.

À bout portant

Au cours d'une fête dans un appartement de Pointe-aux-Trembles, le soir du 4 décembre 2016, plusieurs personnes avaient constaté que Frédérick Gingras était «bizarre» et «dans sa bulle». Il disait ne pas se sentir bien «dans sa tête», selon le résumé des faits produit conjointement en cour par la couronne et la défense.

Le résident des lieux, James Jardin, possédait une arme longue à deux coups. Frédérick Gingras l'a prise dans ses mains et a tiré à bout portant sur M. Jardin, qui est décédé de ses blessures.

M. Gingras a alors pointé l'arme sur le front d'un autre participant à la soirée et a appuyé sur la détente, mais comme les deux cartouches avaient déjà été tirées, rien ne s'est produit.

Tuée à la station service

Le forcené a alors quitté à pied avec l'arme et une ceinture de cartouches. Arrivé à une station-service, il a tiré vers une mère de famille, Chantal Cyr, qui était venue chercher sa fille au Tim Horton. La dame a été atteinte mortellement au thorax.

Après avoir fui avec le véhicule de la dame, Frédérick Gingras a percuté un lampadaire et poursuivi son chemin à pied. Il a tiré un coup de feu à travers la porte-patio d'une résidence, vers une autre mère de famille qui était à la maison avec ses deux enfants endormis.

À travers les portes

Comme dans un film d'épouvante, l'homme armé est alors entré dans la maison, a tiré un coup de feu à travers une porte avant de se promener à travers les pièces. La dame a réussi à réveiller ses deux enfants et à fuir les lieux sans blessures.

M. Gingras s'est ensuite présenté chez un autre résident, avec son arme rechargée. Il a sonné puis a tiré un coup de feu à travers la porte. Le résidant des lieux, qui s'apprêtait à ouvrir, a été blessé au pied. Le forcené a tenté d'ouvrir la porte de force pendant que le blessé s'appuyait dessus de tout son poids pour l'empêcher d'entrer. Il tire ensuite un autre coup de feu, mais sa victime a réussi à dévier l'arme in extremis.

Frédérick Gingras prend ensuite les clés du véhicule de l'homme et s'enfuit vers la Rive-Sud. Il dépasse les 170 km/h alors que les policiers le poursuivent. Il sera arrêté après une sortie de route près du complexe Dix30.

Suggestion commune

M. Gingras a plaidé coupable à des accusations d'homicide involontaire plutôt que de meurtre, en vertu d'une entente entre la couronne et la défense.

Les expertises ont démontré que son état mental était très désorganisé ce soir-là, a expliqué la procureure de la couronne Catherine Perreault. Il n'était pas en mesure de formuler une véritable intention de meurtre. Mais il a avait bien la capacité de distinguer le bien du mal, d'où l'accusation d'homicide involontaire.

La juge France Charbonneau a entériné les plaidoyers de culpabilité. Des représentations sur sentence auront lieu le 4 avril prochain. Les parties suggèrent conjointement une peine de 19 ans de prison. Elles suggèrent aussi que Frédérick Gingras soit déclaré «délinquant à haut risque», ce qui signifie qu'il demeurera détenu dans un établissement psychiatrique pour une durée indéterminée, même après la fin de sa peine, afin de protéger le public.

Pour qu'il puisse sortir un jour, il faudra qu'un juge de la Cour supérieure se penche à nouveau sur son dossier et constate un changement quant au risque qu'il représente pour autrui.