Jean-Sébastien Cormier, ex-mari de la victime, devait de l’argent à Marco Pizzi, relié à la mafia italienne, selon une enquêteuse du Service de police de la Ville de Montréal.

Le vol d’argent dans le but de rembourser une dette envers la mafia pourrait être le mobile de l’agression sauvage d’une femme par deux individus qui se sont fait passer pour des livreurs de pizza, à Montréal, en juillet dernier.

C’est l’hypothèse émise par une enquêteuse du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) qui a témoigné la semaine dernière à l’enquête sur remise en liberté de Jean-Sébastien Cormier, 33 ans, accusé d’introduction par effraction, de séquestration et de possession d’une arme à autorisation restreinte avec munitions.

Selon Ariane Laforest, de la section des crimes généraux de la région Est du SPVM, Cormier et la victime ont eu une relation qui a duré moins d’un an et qui a pris fin de façon houleuse au début de cette année.

Durant leur relation, Cormier aurait appris que la victime cachait une somme d’environ 10 000 $ chez elle, dans son logement de la rue Joffre, dans l’est de Montréal.

Cormier et son frère ont déjà été propriétaires d’un club vidéo sur le boulevard Maurice-Duplessis dans le quartier Rivière-des-Prairies, mais ils ont fait faillite.

« Le propriétaire de l’immeuble était Marco Pizzi, relié à la mafia italienne. À la suite de leur faillite, ils devaient chacun 26 000 $ au propriétaire de la bâtisse. Celui qui s’occupe de collecter est un certain Giuseppe Magri, qui se faisait appeler Joe Magri. Il a appelé pour obtenir une façon d’être remboursé », a expliqué Ariane Laforest.

« M. Pizzi, il se situe où dans les échelons de la mafia ? », a demandé le procureur de la poursuite, Me Philippe Vallières-Roland.

« Assez haut », a répondu la policière.

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Marco Pizzi, membre influent de la mafia montréalaise, selon la police

Marco Pizzi est le chef d’une cellule proche du clan des Siciliens, selon les sources de La Presse. En 2016, plusieurs de ses biens immobiliers ont été la cible d’incendies criminels et lui-même a été victime d’une tentative de meurtre.

Quant à Giuseppe Magri, il a été observé au Romcafé, quartier général du clan des Siciliens à Laval, par les enquêteurs de la Gendarmerie royale du Canada en décembre 2015, selon des documents judiciaires obtenus par La Presse.

Les agresseurs sèment des pistes

La policière Ariane Laforest a également décrit l’attaque dont a été victime l’ancienne conjointe de Cormier le 18 juillet. Un homme de race noire, portant une boîte de pizza, a sonné avec insistance à son appartement. Lorsqu’elle est descendue dans le vestibule pour lui dire qu’elle n’avait rien commandé, l’homme a poussé la porte, s’est rué sur elle et l’a jetée au sol, en mettant la main sur sa bouche. Un autre homme, de race blanche, est entré pour tenter d’attacher la femme. Mais celle-ci s’est débattue et a frappé à coups de pied sur la porte d’un locataire, qui est sorti, faisant fuir les suspects. Mais dans leur fuite, ceux-ci ont semé sur leur chemin boîte de pizza, menottes, rouleaux de ruban adhésif, attaches autobloquantes en plastique et corde, qui ont tous été récupérés et examinés par les policiers.

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Les menottes abandonnées par les suspects. Les policiers croient avoir retrouvé chez Jean-Sébastien Cormier la boîte qui les contenait.

Sur l’un des rouleaux de ruban adhésif, les policiers ont retrouvé les empreintes de Cormier. Sur la boîte de pizza, il y avait un reçu daté du 26 mai précédent et portant l’adresse de… Cormier. En se rendant au restaurant, les agents ont appris que la commande avait été faite par internet et que le numéro de téléphone fourni était celui de… l’ancienne femme de Cormier.

À la fin août, les policiers ont obtenu un mandat pour écouter Jean-Sébastien Cormier et son ancienne femme.

Entre le 4 septembre et le 10 septembre derniers, les policiers ont intercepté plusieurs conversations et ont observé Cormier se rendre à plusieurs reprises au garage Picci dans le quartier Rivière-des-Prairies, où l’on ferait le trafic d’armes à feu, selon Ariane Laforest. « D’après des informations de sources. Et c’est également connu des patrouilleurs », a dit l’enquêteuse.

Le 10 septembre, un certain Houssien Ghaith, qui travaille au garage, aurait remis à Cormier une mitraillette AR-15, de type militaire. « Lorsqu’il a rencontré les enquêteurs, Cormier a dit qu’elle valait 5000 $. Sur l’écoute, on a entendu Ghaith dire qu’il fallait verser 225 $ pour la personne qui a apporté l’arme au garage », a expliqué la policière.

Le lendemain, les policiers ont arrêté Cormier et perquisitionné dans son logement. Ils ont trouvé l’arme et un chargeur plein dans le plafond de la salle d’ordinateur.

« Ceci est ma confession »

Les policiers semblent encore se questionner sur ce que voulait faire l’accusé avec cette arme de guerre.

Ils ont intercepté une communication entre Cormier et son frère dans laquelle ce dernier lui dit que Magri veut les voir, pour conclure une entente sur le remboursement de la dette.

Selon la policière, Cormier était conscient des rivalités entre clans de la mafia, et il aurait répondu que « Joe n’a qu’à lui dire où aller, qu’il va faire le ménage, et qu’il va ainsi effacer sa dette », a-t-elle résumé.

En fouillant sa voiture, les enquêteurs ont également trouvé dans une portière une lettre déchirée, écrite à la main le 29 mars 2019 et signée par Cormier, dans laquelle il fait allusion à son ex-conjointe agressée le 18 juillet dernier.

Ceci est ma confession. Au final, je suis brisé, je ne veux plus vivre. Mais je ne vais pas partir seul. Donc pour être sûr qu’il n’y a aucune confusion, ce meurtre, ainsi que mon suicide, sont prémédités.

Extrait de la lettre de Jean-Sébastien Cormier

Cormier saura aujourd’hui si le juge Pierre Dupras de la Cour du Québec accepte de le libérer en attendant la suite du processus judiciaire. Il est défendu par Me Stéphanie Basso.

Houssien Ghaith a lui aussi été arrêté et accusé de trafic d’armes. Il a été libéré sous conditions en attendant la suite du processus judiciaire.

Les policiers recherchent toujours les deux hommes qui ont attaqué l’ex-conjointe de Cormier dans le vestibule de son immeuble de logements, le 18 juillet.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.