La mairesse de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, Sue Montgomery, a bien été harcelée par un citoyen, mais ce harcèlement n’était pas criminel, a tranché la juge Flavia K. Longo, en l’acquittant de trois chefs d’accusation. Une décision qui donne la « permission » aux hommes de harceler les femmes, dénonce l’élue montréalaise, qui affirme craindre encore davantage pour sa sécurité.

« Il ne me laisse pas tranquille. Il ne me laissera pas tranquille. Et maintenant, ce sera seulement pire », a-t-elle lâché, la voix tremblante, à la sortie de la salle de cour. « Ça fait 20 ans… C’est beaucoup, et ça va continuer… ».

ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Sue Montgomery

Quelques mètres plus loin, Robert Michael Edgar – aussi connu sous le nom de Robin Edgar – s’est réjoui de son acquittement. Devant les journalistes, il a évoqué son « bon harcèlement », similaire aux résistants des nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Il nie fermement avoir harcelé la mairesse et entend poursuivre ses critiques. « Tout ce que je fais est parfaitement légitime », soutient-il.

« Apparemment, je dois me conduire comme une victime typique. Je dois agir comme cette femme sans défense, les vêtements déchirés, en sang. Vous devez vous conduire d’une certaine façon pour être une vraie victime. Ça doit changer », s’insurge Sue Montgomery qui suggère de « changer les lois » pour protéger les femmes, régulièrement victimes de harcèlement.

L’ex-journaliste de Montreal Gazette se dit harcelée par M. Edgar depuis une vingtaine d’années. Ce dernier prétend que Sue Montgomery a pris part à une soi-disant conspiration pour dissimuler des abus sexuels au sein d’une église, dont il a été expulsé il y a deux décennies.

Son harcèlement a pris de l’ampleur en 2014, lorsque l’ex-journaliste a créé le mot-clé #BeenRapedNeverReported (traduit en français par #AgressionNonDénoncée). Robert Michael Edgar n’a cessé depuis de s’en prendre à elle sur les réseaux sociaux et en personne. « Son comportement lui faisait peur », écrit la juge dans sa décision.

Le Montréalais de 59 ans faisait face à trois chefs d’accusation de harcèlement criminel pour des gestes commis entre octobre et décembre 2017, avant et après les élections municipales. Au cours de cette période, Robert Michael Edgar a publié une vingtaine de messages sur les réseaux sociaux concernant Sue Montgomery et l’a rencontré à plusieurs reprises dans des évènements publics pour la dénoncer. Excédée, la politicienne a contacté la police.

Oui, M. Edgar a harcelé Sue Montgomery, a conclu la juge. Toutefois, ce harcèlement n’était pas criminel, puisque l’élue n’avait pas peur de son harceleur. La juge Longo tire cette conclusion d’une vidéo de huit minutes montrant Sue Montgomery, en mars 2018, tenir tête à Robert Michael Edgar pendant une manifestation. On la voit d’ailleurs donner un coup de pied à une pancarte de l’accusé.

La mairesse persiste et signe. Elle avait peur de lui ce jour-là, même si elle ne s’éloigne pas immédiatement. « Nous étions en public. J’avais le droit de marcher dans la rue. Ce n’est pas à moi de changer mon comportement. C’est lui. J’avais appelé la police et j’étais en public. Je ne vais pas lui donner la satisfaction de montrer que j’ai peur. Mais je le suis », a-t-elle expliqué aux journalistes.

« Qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on attend qu’il y ait de la violence avant que les gens fassent quelque chose ? Ils disent qu’il n’est pas violent, comme l’étaient Henry [Richard] Bain et Marc Lépine. Ils ne sont jamais violents jusqu’à ce qu’ils le soient. On va juste attendre », s’insurge Sue Montgomery.