Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) s'apprête à faire le point sur les allégations de crimes sexuels dont fait l'objet Gilbert Rozon, le fondateur du Festival Juste pour rire.

Le procureur de la Couronne responsable du dossier, Bruno Ménard, a rencontré hier et ce matin cinq femmes ayant porté plainte contre Gilbert Rozon au Palais de justice de Montréal. Les cinq femmes se sont toutes fait dire qu'aucune accusation ne sera portée contre le fondateur de Juste pour rire. La Presse a pu s'entretenir avec l'une de ces plaignantes, dont la plainte a été rejetée.

L'ensemble des femmes ayant porté plainte seront rencontrées au cours des prochaines heures. Selon nos informations, au total, six victimes alléguées seront rencontrées aujourd'hui par Me Ménard. Deux l'ont été ce matin et quatre le seront cet après-midi.

La comédienne Patricia Tulasne, qui est la représentante du groupe de femmes qui poursuit Gilbert Rozon au civil, qu'on appelle « les Courageuses », a d'ailleurs confirmé mardi lors d'un bref entretien téléphonique avec La Presse canadienne qu'elle rencontrera un procureur plus tard en journée, mardi, et que les avocats des plaignantes émettront par la suite une réaction. Mme  Tulasne, qui est la seule personne parmi les plaignantes qui a été identifiée jusqu'ici, ne fait aucun commentaire pour le moment.

En octobre 2017, une dizaine de femmes, dont la comédienne Salomé Corbo, la réalisatrice Lyne Charlebois, la productrice Julie Snyder et l'animatrice Pénélope McQuade avaient publiquement accusé Gilbert Rozon de les avoir agressées sexuellement. Certaines d'entre elles ont porté plainte à la police et d'autres femmes, dont plusieurs ne se sont jamais manifestées dans les médias, ont aussi porté plainte. Le DPCP devait statuer si des accusations allaient être portées contre le producteur.

« Je suis enragée »

Geneviève Lorange, qui fait également partie de ce recours collectif présenté par « les Courageuses » craint que le producteur n'échappe totalement aux accusations. La plainte de Mme Lorange pour agression sexuelle contre M. Rozon a été rejetée par le DPCP en 2017. « Je suis enragée », a-t-elle déclaré ce matin à La Presse lors d'un entretien émotif. « Il y a une vingtaine de femmes qui ont porté plainte. Elles ne se connaissent pas. Ou elles sont 20 menteuses, ou le système judiciaire est défaillant ! », s'exclame-t-elle.

Si Gilbert Rozon n'écope d'aucune accusation, « ça va finir par envoyer le message qu'on peut agresser des filles impunément. Et si vous êtes une fille qui a été victime d'une agression, vous êtes mieux de vous fermer la gueule parce que vous allez passer pour une menteuse. On n'envoie pas le bon message à la société. Le système est biaisé ! Je veux que les choses changent. »

Même si Gilbert Rozon est blanchi au criminel, la poursuite civile intentée par « les Courageuses » tient toujours, rappelle Mme Lorange. « OJ Simpson a été acquitté au criminel et reconnu coupable au civil », dit-elle. M. Rozon est accusé par ces femmes de harcèlement et d'agressions sexuelles. Selon le groupe, M.  Rozon aurait fait au moins 20 victimes sur une période de 34 ans, de 1982 à 2016, ce que réfute fermement le producteur déchu.

Les plaignantes réclament jusqu'à 10  millions en dommages à Gilbert Rozon pour ce qu'elles allèguent avoir subi. En août dernier, la Cour d'appel du Québec a toutefois accordé à M. Rozon l'autorisation d'en appeler du jugement qui a permis le dépôt d'une action collective des « Courageuses » contre lui. L'action collective avait été autorisée par la Cour supérieure du Québec le 22 mai dernier.

- Avec La Presse canadienne