Alors que l'intimidation dont Simon Dufour a été victime à l'école secondaire avait été vite désignée comme la cause de sa mort tragique, la situation est plus complexe que cela, conclut la coroner qui a enquêté sur ce suicide très médiatisé.

L'adolescent de 15 ans de la Montérégie est mort après avoir été percuté par un train à Saint-Bruno-de-Montarville le 23 novembre 2017.

Au lendemain de sa mort, la soeur du défunt, Karine Dufour, a écrit sur les réseaux sociaux que son jeune frère s'était suicidé parce qu'il était victime d'intimidation depuis l'école primaire. Son message avait été partagé des milliers de fois.

En entrevue avec La Presse, le père et la soeur de Simon Dufour affirment que la lecture du rapport du coroner leur laisse un goût « amer », bien qu'ils comprennent que le « lien direct » entre intimidation et suicide peut être difficile à établir.

« Mon fils a été victime d'intimidation durant des années, mais comme ça allait mieux à l'école depuis trois ou quatre mois, on ne fait pas de lien avec l'intimidation qu'il y a vécu », déplore le père du défunt, Martin Dufour.

La coroner Géhane Kamel conclut en effet que l'adolescent « aurait vécu de l'intimidation au primaire et au début du secondaire », mais que ce sont des tensions « intrafamiliales » qui peuvent expliquer son suicide.

« Il a eu un suivi avec les professionnels de l'école secondaire qu'il fréquentait et les notes recueillies nous convainquent du soutien qu'il a reçu par le milieu scolaire », écrit Mme Kamel.

« Ce n'est pas du tout notre perception que l'école a tout fait pour l'aider. Elle aurait pu en faire plus », a dit à La Presse Karine Dufour, très ébranlée par les conclusions de la coroner, lorsque nous l'avons contactée, hier, au moment où le rapport a été rendu public.

Depuis le début de sa troisième année du secondaire, l'adolescent - qui était inscrit en concentration musique - était décrit par plusieurs comme un petit rayon de soleil, note pour sa part la coroner.

« Simon ne semble pas avoir trouvé ni les mots ni la force pour en parler à des personnes qui auraient pu l'aider. Simon avait confié à un ami que ce qu'il avait déjà vécu à l'école n'était rien à côté de ce qu'il devait subir d'un proche », écrit la coroner dans son rapport de quatre pages.

Le père de l'adolescent, bouleversé, confirme qu'il y avait des conflits au sein de la famille, mais maintient que c'est de l'école qu'émanait le principal problème.

« L'intimidation dans les écoles n'a pas cessé depuis le décès de mon fils, poursuit le père éploré. Il faut que les jeunes parlent. Tout le monde s'est mis à parler après la mort de Simon. Pas avant. Si une seule personne avait parlé avant, peut-être qu'on aurait pu le sauver. »

« Quand les enfants vieillissent et qu'ils vous répondent "ça va", même si ça ne va pas, ce n'est pas évident comme parent d'intervenir », ajoute Karine Dufour, aujourd'hui âgée de 27 ans et mère de famille à son tour.

CONSCIENTISER LES INTIMIDATEURS

Martin Dufour souhaite que « Simon ne soit pas mort en vain ». Il veut conscientiser les intimidateurs aux conséquences de leurs paroles et de leurs gestes. Ceux qui sont témoins d'intimidation doivent en parler à un surveillant, à un enseignant, à un directeur ou à leurs parents, plaide-t-il.

La coroner Géhane Kamel ne formule aucune recommandation - bien que la loi lui permette de le faire - dans son rapport concernant la mort de Simon Dufour. Elle souligne toutefois qu'en février dernier, les élus de Saint-Bruno-de-Montarville ont proclamé le 23 novembre Journée de sensibilisation contre l'intimidation, pour honorer la mémoire du jeune Simon.

Après enquête, le Service de police de l'agglomération de Longueuil n'a pas porté d'accusation criminelle dans cette affaire.

Si vous avez besoin de soutien ou avez des idées suicidaires, vous pouvez composer le numéro sans frais suivant pour parler à quelqu'un : 1-866-APPELLE.