Ismaël Habib se serait laissé « emporter par ses idées » et n'aurait jamais eu l'intention de commettre un attentat terroriste au Canada.

C'est du moins ce qu'a soutenu son avocat, Me Charles Montpetit, jeudi, pour étayer sa proposition d'une peine globale de six ans et demi de prison pour son client reconnu coupable plus tôt cet été d'avoir voulu grossir les rangs du groupe État islamique (EI) et d'avoir tenté d'obtenir un faux passeport en vue d'aller combattre en Syrie.

De son côté, la poursuite a proposé une peine globale de neuf ans de prison.

« Il ne fréquentait pas de mosquées. Il n'allait pas à la mosquée de Charkaoui. C'était un choix interne de vie », a lâché l'avocat de l'accusé au moment des observations sur la peine, hier, au palais de justice de Montréal, trouvant la suggestion de la Couronne sévère pour un jeune homme sans antécédents judiciaires.

Aux yeux de la défense, s'il ne fait aucun doute que l'accusé de 29 ans voulait se joindre à l'EI en Syrie, il n'existe pas de preuves qu'il représente un danger pour la société canadienne.

Assis dans le box des accusés, pieds et poings liés, Habib était très attentif aux arguments des deux parties. Il a conservé un air grave et calme durant toute l'audience, à l'exception du moment où son avocat a évoqué la possibilité que sa femme et ses deux jeunes enfants - qui se trouveraient actuellement en Syrie - puissent avoir été tués.

Habib est sans nouvelles d'eux depuis 15 mois, a dit son avocat. L'accusé a alors eu du mal à refouler un sanglot.

« PRÊT À TUER DES CIVILS »

De son côté, la poursuite a décrit Habib comme un homme « sans remords », « prêt à tuer des gens, des civils » au nom d'une idéologie.

« On ne parle pas d'un jeune très vulnérable qui a vu certaines choses sur internet. Il épouse totalement l'idéologie de l'État islamique [...]. Il sait exactement dans quoi il s'embarque », laisse entendre Lyne Décarie, procureure de la Couronne.

La version d'Habib, selon laquelle c'est par amour pour sa femme et ses enfants qu'il voulait se rendre en Syrie, a été taillée en pièces par le juge Serge Delisle en juin dernier lorsque le magistrat l'a déclaré coupable pour les deux accusations de terrorisme portées contre lui.

Habib est le premier adulte canadien à avoir été déclaré coupable au terme d'un procès d'avoir tenté de quitter le pays pour participer aux activités d'un groupe terroriste en vertu de l'article 83.181, ajouté au Code criminel en 2013 dans le cadre de la nouvelle Loi sur la lutte contre le terrorisme. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a utilisé la technique d'enquête Mr. Big - qui consiste à créer de toutes pièces une fausse organisation criminelle à l'aide d'agents d'infiltration - pour lui soutirer des aveux.

Selon la preuve retenue par le juge, Habib a passé quelques mois en Syrie en 2013 avec des groupes djihadistes. De retour au Québec, il a tenté à plusieurs reprises d'obtenir un faux passeport. Depuis 2014, il a fait des recherches sur l'internet à propos de l'EI, des armes, des cartes militaires de la Syrie et des moyens de quitter le Canada illégalement. Après le départ de sa femme pour la Syrie, il a eu une relation avec une Gatinoise qui a porté plainte pour violence conjugale l'an dernier.

Aux yeux de la poursuite, le juge Delisle doit imposer une peine de neuf ans de prison à Habib pour dissuader d'autres Canadiens de devenir des « combattants étrangers ». « Le Canada ne doit pas exporter des terroristes qui vont faire d'innocentes victimes à l'étranger. Nous avons une responsabilité à cet égard », a plaidé la procureure d'expérience.

Dans une récente cause de terrorisme en Ontario, l'accusé - Carlos Larmond - a écopé de sept ans de prison, a fait valoir Me Décarie, alors qu'il avait plaidé coupable en plus d'éprouver des remords - deux facteurs atténuants au moment de la détermination de la peine.

LA RECHERCHE D'UNE « IDENTITÉ PATERNELLE »

De son côté, la défense a rappelé que la radicalisation de son client a débuté lors de la recherche de « son identité paternelle ». L'accusé est né d'une mère québécoise « de souche canadienne-française » et d'un père d'origine afghane, mais ce dernier était absent de sa vie. Il a éprouvé des problèmes de consommation de drogues à l'adolescence. À 18 ans, il s'est converti à l'islam et a cessé de consommer.

Alors qu'il avait 21 ans, un colocataire - qui était en fait un agent civil d'infiltration - est entré dans sa vie et a influencé la suite des choses, a résumé l'avocat de la défense. Cet agent d'infiltration se faisait passer pour un authentique partisan du salafisme, vision rigoriste de l'islam qui prône une lecture littérale du Coran et un retour aux pratiques de l'époque du prophète Mahomet. « On ne naît pas avec une étiquette. On le devient », a plaidé l'avocat d'Habib, laissant entendre que cet agent avait joué un rôle dans la radicalisation de son client.

C'est ce même agent d'infiltration qui a mis Habib en contact avec un policier de la GRC qui s'est fait passer pour un criminel (opération Mr. Big). Ce faux criminel disait pouvoir l'aider dans ses éventuels projets de voyage, même si les autorités le surveillaient et l'empêchaient de prendre l'avion.

Sans savoir qu'il parlait à un policier et qu'il était enregistré, Habib a alors avoué avoir passé trois mois en Syrie auprès de combattants et chercher à retourner là-bas auprès du groupe État islamique pour faire le djihad et « purifier » la Syrie.

La peine maximale pour avoir tenté de quitter le Canada en vue de commettre un acte terroriste à l'étranger est de 10 ans. Celle pour avoir fait une fausse déclaration en vue d'obtenir un passeport est de deux ans. Le juge Serge Delisle doit rendre sa décision le 29 septembre.

Photo tirée de Facebook

Ismael Habib est le premier adulte canadien à avoir été déclaré coupable au terme d'un procès d'avoir tenté de quitter le pays pour participer aux activités d'un groupe terroriste en vertu de l'article 83.181, ajouté au Code criminel en 2013.