« Un homme d'affaires réputé et avantageusement connu dans les milieux politiques et économiques, tant à Montréal qu'à New York », comme il se qualifie lui-même, tente de laver son honneur en empêchant Google de promouvoir un site qui le qualifie de pédophile.

Il réclame aussi 6 millions en dommages au géant américain.

L'homme en question, qui « côtoie des politiciens de premier plan et des personnalités publiques d'envergure », a pris toutes les précautions pour demeurer anonyme : il n'est connu que sous le nom de « A.B. », des lettres qui ne correspondent pas nécessairement à ses initiales.

Paradoxalement, sa situation est apparue au grand jour lorsqu'il a demandé à la Cour supérieure de rendre son dossier de cour complètement secret, afin de protéger sa réputation. Le juge Lukasz Granosik a refusé dans une décision rendue le mois dernier.

La décision et le débat sur les millions de dollars exigés en dommages suivront dans les prochains mois.

En 2007, A.B. a découvert « avec stupéfaction et horreur qu'un site internet intitulé ripoffreport.com indique qu'il a été reconnu coupable de pédophilie ["child molestation"] en 1984 », écrit le magistrat dans ce jugement. Or, « non seulement il n'a jamais été reconnu coupable d'un tel crime, mais il n'en a jamais non plus été accusé ». Son casier judiciaire est complètement vierge, a expliqué son avocat au juge Granosik.

INFORMATION TOUJOURS VISIBLE

S'ensuivirent plusieurs lettres et mises en demeure à Google afin que le moteur de recherche cesse de diriger les internautes vers cette page. En vain. « L'entrée en question est retirée ou disparaît de temps en temps de la recherche Google, pour réapparaître quelques mois ou quelques années plus tard », décrit le magistrat.

« Au moment de l'instruction de la présente action en justice, le demandeur informe le tribunal que l'information serait toujours visible sur le site américain de Google, bien qu'on ne la retrouve plus sur le site canadien. »

Selon A.B. et son avocat, une loi américaine protège le site problématique et les oblige à se rabattre sur Google. L'entreprise ne s'est pas déplacée pour débattre de la mise sous scellés voulue par le mystérieux homme d'affaires.

« Notre client et nous n'avons pas de commentaires à formuler sur la décision rendue par l'honorable juge Granosik », a indiqué à La Presse l'avocat de A.B., Me Karim Renno.

La décision du juge Lukasz Granosik coupe la poire en deux : la demande de mise sous scellés permanente du dossier de cour a été refusée, mais le juge a tout de même interdit la publication des détails qui se trouvent dans le dossier de cour.

A.B. souhaitait « empêcher que la procédure judiciaire ne serve de "loupe grossissante" qui attirerait l'attention » sur une fausse accusation d'avoir commis « un crime particulièrement sordide et suscitant sans l'ombre d'un doute l'opprobre social et ternissant à jamais son honneur et sa réputation ».

Le magistrat a remis entre les mains du juge qui tranchera quant à la demande de 6 millions en dommages le soin de décider s'il reconduira les ordonnances visant à protéger l'identité de A.B.