Malgré les 18 dossiers de plainte et une enquête policière sur des pratiques inadéquates, le ministère de la Famille a renouvelé, en janvier dernier, le permis d'une garderie de Deux-Montagnes placée sous surveillance.

Les doléances des parents et les mauvais traitements observés par des policiers n'ont donc pas suffi à faire cesser les activités du service de garde Tam-Tam, qui appartient à la fille de la propriétaire de la garderie Pom'Cannelle. Deux employées de cette dernière organisation ont été arrêtées dans le cadre d'une enquête sur des traitements inadéquats qui auraient été infligés à des enfants, a révélé La Presse il y a deux semaines.

L'enquête policière menée à Tam-Tam n'a pas abouti à des accusations criminelles. Mais les policiers gardent de mauvais souvenirs de leur passage entre les murs de la garderie.

«Les éducatrices ont une seule paire de gants par jour pour changer toutes les couches», a affirmé une source policière, dont les propos ont été confirmés par des employés. «Elles n'ont pas accès à des bouteilles d'eau non plus», a-t-elle poursuivi.

«La fontaine est brisée et les éducatrices ne veulent pas salir de verres», a ajouté un parent, qui a parfois retrouvé son enfant déshydraté à la fin de la journée. De manière générale, on servirait de l'eau aux petits seulement lorsque ceux-ci en réclament.

Le ministère de la Famille a effectué quelques visites à Tam-Tam. Mais la garderie n'a jamais été mise à l'amende, pas plus que sa subvention n'a été réduite, comme c'est le cas lorsque le Ministère constate des «manquements récurrents». Puisque son permis a été renouvelé, le Ministère considère que les «manquements constatés ont donc tous été réglés», a expliqué la porte-parole Nadia Caron.

Une source policière voit les choses autrement. «Quand il y a des inspections, les bouteilles d'eau et les gants réapparaissent», a-t-elle affirmé.

Des enfants punis pour avoir été «méchants»

À Pom'Cannelle comme à Tam-Tam, l'ambiance serait similaire. Les éducatrices «ont peur», ont répété des parents et des employés qui ont requis l'anonymat. Certains y ont même vu une explication à l'inaction des éducateurs lorsque certaines situations «problématiques» surviennent. Des enfants auraient ainsi été enfermés dans les salles de bains sans qu'on intervienne. D'autres auraient été contraints de tenir leurs bras dans les airs ou de rester debout, immobiles, en guise de punition pour «avoir été méchants».

Encore, une petite fille de 5 ans aurait été déshabillée par un autre enfant pendant qu'elle dormait. «L'enfant lui a embrassé les fesses. C'est l'intervention d'autres enfants qui a mis fin à l'acte. Au dire des enfants, aucune éducatrice n'était présente dans le local», a rapporté le père de la fillette, Jean-Marie Pagazzi, dans un courriel envoyé à La Presse.

Les éducatrices vivent de la violence psychologique, ont affirmé des parents et des employés. «La plupart d'entre elles sont des victimes, pas des méchantes», a dit l'une de ces personnes. «Un jour, la fille de la propriétaire a crié tellement fort [après une employée] que je me sentais mal», a ajouté une deuxième.

«Qui vous a dit ça?», a demandé à plusieurs reprises Samira Khreiss Al-Ahmad, quand La Presse lui a fait part de certaines de ces allégations. «La garderie Tam-Tam n'est pas reliée à moi, jamais de la vie», a-t-elle poursuivi, pour ensuite admettre qu'elle appartient à sa fille May.

Des tarifs gonflés

«Nous avons toujours payé 12$ par jour par enfant», ont attesté plusieurs parents, dont Jean-Marie Pagazzi. Samira Al-Ahmad Khreiss a hésité avant de révéler le tarif qu'elle exige à La Presse. «Je charge 7$, ça a toujours été 7$», a-t-elle clamé. «Les parents qui ont besoin d'un service supplémentaire, volontaire, payent 5$ de plus», a-t-elle ajouté. Ce «service supplémentaire», ce serait l'heure d'ouverture additionnelle de la garderie. «Mais la propriétaire ne précise pas qu'on n'est pas obligé de payer si on n'utilise pas l'heure supplémentaire (ce qui était notre cas)», a plaidé M. Pagazzi, qui dit avoir été mis au courant de cette disposition par hasard. Au Ministère, on enregistre des plaintes pour surtarification dans toutes les garderies appartenant à Mme Khreiss et à sa fille (Pom'Cannelle et Tam-Tam à Deux-Montagnes et les garderies De La Cloche et du Roitelet, à Montréal).

Un nombre «important» de plaintes

La propriétaire de la garderie Pom'Cannelle, Samira Al-Ahmad Kreiss, possède deux autres installations: les garderies De la Cloche et Le Roitelet, à Montréal. Sa fille, May Khreiss, possède la garderie Tam-Tam, à Deux-Montagnes. Entre septembre 2012 et 2014, 18 dossiers de plaintes ont été ouverts pour Tam-Tam seulement.

Certains de ces 18 dossiers, notamment «surveillance des enfants», «attitudes et pratiques inappropriées» ou «frais de garde de plus de 7$» ont fait l'objet de trois ou quatre plaintes.

«C'est un nombre important de dossiers de plainte», a reconnu Nadia Caron, porte-parole au ministère de la Famille. «Nous faisons un suivi rigoureux concernant cette garderie-là», a-t-elle ajouté.

Pendant la même période, la garderie De la Cloche a fait l'objet de 7 plaintes, Le Roitelet, de 17 plaintes et Pom'Cannelle, de 4 plaintes. Règle générale, des inspections sont menées tous les cinq ans dans les services de garde, juste avant le renouvellement des permis.

Des «inspections surprises» sont effectuées quand une garderie fait l'objet d'une plainte ou qu'un suivi a été recommandé lors de l'inspection générale.

+ Veuillez noter que cet article vise le Service de garde éducatif Tam-Tam situé au 635, 20e avenue, à Deux-Montagnes. En aucun cas est-il question du CPE Tam-Tam, sis au 130, boulevard Primeau à Chateauguay.