Une personne séropositive à la charge virale faible n'a pas à divulguer sa condition à son partenaire sexuel, à la condition d'utiliser un condom, a tranché la Cour suprême du Canada vendredi dans deux causes, dont une du Québec.

Dans ces décisions unanimes, la Cour a cherché à clarifier la jurisprudence canadienne, établie il y a une quinzaine d'années dans l'affaire R. c. Cuerrier. Elle avait alors jugé qu'une personne atteinte du VIH devait divulguer sa condition à son partenaire dans le cas de rapports sexuels qui comportaient un «risque important» de préjudice.

La question était de savoir si, dans le cas d'une relation sexuelle à très faible risque de contagion, protégée ou non, la divulgation était toujours nécessaire, en raison des progrès de la médecine.

La juge en chef Beverley McLachlin, au nom de ses collègues, a conclu que le critère applicable en l'espèce était celui de la «possibilité réaliste de transmission». «Lorsque la charge virale de la personne séropositive est faible en raison d'un traitement et qu'il y a utilisation du condom, la condition de la possibilité réaliste de transmission n'est pas remplie», a-t-elle tranché.

Encore trop flou?

Cette position de la Cour suprême ne va pas assez loin aux yeux d'une coalition de groupes de défense des droits des personnes séropositives, qui est intervenue dans la cause. Dans un communiqué, les membres de cette coalition, qui inclut le Réseau juridique canadien VIH/sida, se sont dits «surpris» et «atterrés» par cette décision «injuste» et trop floue qui continuera à criminaliser des innocents.

«Elle ignore de manière flagrante des preuves scientifiques solides et ouvre la porte aux condamnations pour la non-divulgation, même lorsque les risques sont négligeables, approchant zéro», peut-on lire dans le communiqué rédigé en anglais.

Dans la cause Sa Majesté la reine c. D.C., la Cour était appelée à se prononcer sur la culpabilité d'une femme accusée d'agression sexuelle et de voies de fait graves contre son ex-conjoint. Elle avait omis de l'aviser de sa séropositivité avant leur premier rapport sexuel.

Selon la preuve, l'homme n'avait que 0,1% de risque d'être infecté, en raison des traitements de sa partenaire. Il a affirmé à la Cour qu'il n'avait pas utilisé de condom. L'accusée l'a contredit, mais la juge de première instance ne l'a pas crue et l'a condamnée.

La Cour d'appel a infirmé cette décision au motif que la charge virale de D.C. ne posait pas de risque important de préjudice grave au sens du Code criminel et qu'il n'était donc pas nécessaire de déterminer si un condom avait été porté.

Dans l'autre cause, au Manitoba, l'intimé Clato Lual Mabior avait été accusé de 10 chefs d'agression sexuelle grave pour avoir eu des rapports sexuels avec différentes femmes sans leur dévoiler sa séropositivité. Il avait porté un condom à certaines occasions.

Dans aucune des deux causes, les plaignants n'ont contracté le VIH.

La Cour suprême a rétabli la culpabilité de l'intimé Mabior et a maintenu l'innocence de D.C. Dans ce dernier cas, la juge McLachlin, au nom de ses collègues, a estimé que le juge du procès avait commis une erreur en concluant hors de tout doute raisonnable qu'un condom n'avait pas été porté.