Un autre ancien soldat de la famille Rizzuto est tombé sous les balles, dimanche soir dans l'arrondissement LaSalle.

Walter Ricardo Gutierrez, 60 ans, était loin d'être le plus connu des nombreux hommes de main à avoir risqué leur vie pour servir la puissante famille. Mais en 1994, il avait été arrêté avec deux complices en possession de ce qui représentait alors une des plus grosses saisies de cocaïne de l'histoire de la police montréalaise. Une affaire qui était liée à l'opération policière menée deux semaines plus tard par la GRC contre le clan Rizzuto, dans la célébrissime affaire du faux bureau de change où la mafia a blanchi 100 millions de narcodollars sous le nez des enquêteurs de la Gendarmerie royale du Canada.

Dimanche soir, Gutierrez se rendait apparemment visiter quelqu'un dans un HLM de la société d'habitation de Montréal (SHDM), rue Gamelin, à l'angle de la rue Georges.

Un homme se serait amené près de lui au moment où il approchait de l'entrée et aurait fait feu.

«J'ai entendu au moins cinq détonations. Je suis sortie, et j'ai vu le monsieur couché par terre», raconte une résidante de l'immeuble.

Puis, le tireur aurait fui au pas de course pour quitter les lieux au volant d'une voiture.

Le décès de la victime a été constaté à l'hôpital.

Ce matin, plusieurs des résidants et employés de la SHDM qui étaient sur place se disaient fort étonnés de cette histoire. Une vitre était fracassée là où l'homme s'est fait tirer dessus et des flaques de sang recouvraient le sol.

Il semblerait que Gutierrez n'était pas un résidant des lieux.

Cet homme a trempé dans une des affaires criminelles québécoises les plus invraisemblables des dernières décennies.

Dans les années 1990, la GRC, qui enquêtait sur les activités de trafic de drogue du clan Rizzuto, avait ouvert un faux bureau de change, rue Peel à Montréal. Ce sont des agents de la GRC qui l'opéraient dans le but précis de pincer les mafiosi. Le bureau était situé en face de celui d'un avocat qui avait pour client des membres du clan, Me Joseph Lagana.

Au terme de cette enquête, 42 personnes avaient été arrêtées en 1994 après avoir blanchi, avec à leur insu la complicité de la GRC, 100 millions de narcodollars.

Des gros noms comme Vincenzo «Jimmy» Di Maulo, frère de Joe Di Maulo et ami de feu Frank Cotroni. Jimmy était alors en libération conditionnelle, lui qui purge une sentence à perpétuité après avoir été condamné pour un homicide, il y a longtemps. Autre gros nom arrêté dans cette opération, Sabatino «Sammy» Nicolucci, qui se trouvait aussi en liberté conditionnelle, et qui avait été, à cette époque, enlevé par des trafiquants colombiens et amené dans ce pays. Les Colombiens lui reprochaient une dette de drogue de plus d'un million de dollars. Il y avait aussi parmi les prévenus du bureau de change l'avocat Lagana et deux autres.

Mais Vito Rizzuto n'était pas parmi eux.

Gutierrez lui, avait été accusé aux côtés de toutes ces grosses pointures. Il avait écopé d'une peine de huit ans de pénitencier pour complot et trafic de drogue. Il n'a plus jamais été accusé de quoi que ce soit depuis.

En 2008, il a déclaré faillite, faillite dont il a été libéré en 2010.

On sait peu de choses de ses activités récentes. Avait-il toujours des liens avec la mafia? Était-il affilié à l'un des clans impliqués dans la lutte de pouvoir visant la succession des Rizzuto à la tête de la mafia montréalaise? C'est à ces questions, notamment, que devront répondre les enquêteurs de la police de Montréal pour mettre la main au collet d'un suspect.