L'ex-politicien Léon Mugesera, soupçonné d'incitation au génocide au Rwanda, affirme que son expulsion du Canada serait une violation de ses droits garantis tant par la Charte canadienne des droits que par plusieurs traités et conventions internationaux dont le Canada est signataire.

M. Mugesera, qui vit au Québec depuis 20 ans, était en Cour fédérale lundi pour tenter de faire suspendre un ordre d'expulsion émis à son endroit pour jeudi le 12 janvier. Il était souriant à son arrivée au tribunal et a enlacé certains partisans qui s'étaient déplacés pour exprimer leur appui à sa cause.

M. Mugesera espère ainsi obtenir le temps nécessaire pour contester cette procédure sur le fond par le biais d'une révision judiciaire.

Son avocate, Me Johanne Doyon, a fait valoir que Léon Mugesera, à titre de réfugié, bénéficiait du droit de non-refoulement dans son pays car son intégrité physique y serait mise en péril. Elle a déposé comme élément de preuve des lettres envoyées par l'ex-premier ministre rwandais Faustin Twagimarungu au premier ministre Stephen Harper et au ministre de l'Immigration Jason Kenney, indiquant que Léon Mugesera risquait la torture dans son pays d'origine.

Me Doyon a souligné qu'il n'y avait que de rares exceptions au droit de non-refoulement, reconnu par plusieurs conventions et traités internationaux, notamment le fait d'avoir été condamné ou de représenter un risque pour le pays d'accueil.

Le Rwanda cherche à juger Léon Mugesera mais son avocate a plaidé que le fait de le priver de son droit de non-refoulement sous ce prétexte équivalait à nier son droit à la présomption d'innocence garanti par la Charte canadienne.

Or, selon son Me Doyon, son client est considéré comme un opposant et même un ennemi du @gouvernement rwandais actuel, dirigé par Paul Kagame, et ne bénéficie donc d'aucune présomption d'innocence là-bas.

Me Doyon a ajouté qu'il ne devrait pas être déporté à moins qu'il ne soit condamné ou ne représente une menace à la sécurité du Canada, comme les lois du pays le prévoient.

«Ce n'est pas le cas de M. Mugesera. Il n'a pas été condamné. Il n'a pas eu droit à un procès juste et équitable face à ses pairs et à la justice», a-t-elle soutenu.

La Cour suprême du Canada avait confirmé son renvoi en 2005. Mais Ottawa avait passé outre à cette décision parce que l'homme risquait la peine de mort s'il était retourné dans son pays. Or, le Rwanda a aboli la peine capitale depuis, et le gouvernement fédéral a finalement statué que sa vie n'est plus en danger.

Me Doyon a lancé que le gouvernement canadien avait tort de s'en remettre aux engagements diplomatiques du Rwanda, selon lesquels son client ne serait pas torturé.

«Ce n'est pas de la fiction. Et ce n'est pas quelque chose qui peut être effacé par des garanties diplomatiques», a poursuivi l'avocate en référence aux documents indiquant que la vie de M. Mugesera serait en danger s'il retournait dans son pays d'origine.

Léon Mugesera aurait incité à la haine et au génocide contre les Tutsis lors d'un discours qui avait été prononcé en 1992 mais dont les autorités canadiennes n'ont pris connaissance que trois ans plus tard, après son entrée au pays. Plusieurs mois après son départ du Rwanda en 1994, des milices de Hutus ont massacré pendant 100 jours des Tutsis et des Hutus modérés, tuant entre 800 000 et un million de personnes.

Le juge de la Cour fédérale Michel Shore est chargé de trancher dans cette affaire et ainsi décider si M. Mugesera peut, ou non, demeurer sur le territoire canadien.