Sur plus de 6000 sans-abri souffrant de troubles mentaux graves, comme la schizophrénie ou la bipolarité, une infime portion recevrait des services adéquats de la part des intervenants sociaux et du système de santé.

La mort de Farshad Mohammadi, deuxième sans-abri à tomber sous les balles de la police de Montréal en moins d'un an, illustre encore une fois l'incapacité du système à gérer cette problématique endémique, selon le Dr Olivier Farmer, psychiatre au CHUM et au Centre de la santé et des services sociaux (CSSS) Jeanne-Mance. Ce spécialiste de la clientèle itinérante dit que de 30 à 35% des sans-abri - dont le nombre serait autour de 30 000 au Québec et de 20 000 à Montréal - souffrent de troubles mentaux graves.

Ils ne sont généralement pas dangereux, sauf s'ils consomment de la drogue ou de l'alcool.

Selon le Dr Farmer, les policiers ne sont généralement pas à blâmer quand des conflits surviennent entre eux et des sans-abri. C'est le système qui a failli à s'occuper des cas les plus lourds.

«C'est une roue qui tourne. Ces sans-abri commettent de petits crimes et sont envoyés en prison quelques jours ou sont emmenés à l'urgence et retournent à la rue. Lors des interventions, les policiers travaillent bien la plupart du temps», indique-t-il.

«Le problème se situe en deuxième ligne, en psychiatrie hospitalière. Nous ne sommes pas organisés pour suivre cette masse de gens. Ils ne sont pas comptabilisés. Ils souffrent en général de toutes sortes de problèmes comme la consommation de drogue ou d'alcool, dans 80% des cas. Ils n'ont pas de famille, pas d'adresse. Ils ont des problèmes santé rattachés à la vie dans la rue et ne viennent pas aux rendez-vous qu'on leur fixe, car ils n'aiment pas être dans les hôpitaux. Ils n'aiment pas être dans le système», explique le médecin.

Des initiatives comme le projet Chez soi pourraient faire partie de la solution, selon le Dr Farmer. Présent dans cinq villes canadiennes, dont Montréal, le projet Chez soi vise à loger les sans-abri les plus problématiques et à leur assurer un suivi médico-social à domicile. Le projet pilote, une initiative de la Commission de la santé mentale du Canada, donne de bons résultats, dit-il, mais ne peut intervenir qu'auprès de 200 à 300 personnes à Montréal. De plus, on ne sait pas encore si le projet pourra être reconduit au-delà de 2013.

Manque de ressources

«Ce n'est pas à partir de nos ressources que l'on va pouvoir servir tout le monde. Il faut développer les services et embaucher des professionnels. Dire qu'il faut une meilleure concertation entre les acteurs déjà en place, ça suffit. Il faut penser plus large», martèle le Dr Farmer, ajoutant que de telles mesures pourraient même s'avérer payantes pour l'État.

«Les sans-abri augmentent l'achalandage dans les urgences: ils ont le diabète, sont parfois presque aveugles, ont des problèmes cardio-vasculaires. Les coûts sont déjà là. [...] Un bon investissement pourrait rapporter à la société, car [les sans-abri] seraient traités avant que ces problèmes ne surviennent», conclut-il.

Le maire de Montréal a profité d'une visite à l'accueil Bonneau hier pour demander plus de fonds pour l'aide aux sans-abri. «Le maire a fait savoir qu'il a demandé cet été au gouvernement du Québec de consacrer plus de ressources afin d'offrir des services appropriés et répondre aux besoins particuliers des sans-abri», explique son attachée de presse, Ariane Lareau. Gérald Tremblay a souligné que beaucoup de sans-abri souffrent de problèmes de santé mentale et que les autorités doivent s'occuper de cette situation «de plus en plus complexe». Il a dit souhaiter qu'avec l'accompagnement nécessaire, ces personnes puissent intégrer la société «avec dignité».