Dans les semaines et les jours précédant la noyade d'une femme et de trois jeunes filles de sa famille dans l'écluse de Kingston, Hamed Shafia a exploré sur l'internet quantité de cours d'eau au Québec et en Ontario. De la même manière, il a fait des recherches sur les meurtres, les endroits où les commettre, des aspects de la vie en prison, ainsi que sur des boîtes de métal.

C'est ce que le policier de Kingston Derek Frowley, expert en analyse judiciaire d'ordinateurs, a dit, hier après-midi, au procès des Shafia. Mohammad Shafia, 58 ans, sa femme Tooba, 41 ans, et leur fils Hamed, 20 ans, sont accusés d'avoir tué avec préméditation Rona Amir Mohammad, première femme de Mohammad, ainsi que trois des sept enfants que ce dernier a eus avec sa deuxième femme (Tooba), Zainab, 19 ans, Sahar, 17 ans, et Geeti, 13 ans. Les quatre victimes ont été trouvées noyées le matin du 30 juin 2009, dans une Nissan Sentra engloutie au fond de l'écluse de Kingston Mills. Au début, il semblait s'agir d'un étrange accident, mais trois semaines après le drame, le trio a été arrêté et accusé.

L'expert Derek Frowley a été mandaté en décembre 2009 pour analyser un ordinateur qui avait été saisi en juillet 2009, dans le logement de Saint-Léonard où résidait la famille Shafia. Cet ordinateur de marque Toshiba était celui d'Hamed. L'analyse de l'appareil a montré certaines recherches qui y ont été faites, notamment:

- le 3 juin 2009, à 6h37: est-ce qu'un prisonnier a le contrôle de ses propriétés;

- le même jour, à 6h39: est-ce qu'un prisonnier a le droit de vendre ses propriétés;

- le 16 juin 2009, à 6h39: faits documentaires sur les meurtres;

- le 20 juin 2009, à 20h20: où commettre un meurtre.

Du 6 au 22 juin, une multitude de recherches ont été faites sur les «cours d'eau et montagnes, les lacs au Québec, les ponts qui enjambent la rivière des Outaouais, les montagnes et l'eau au Québec». Le 15 juin, une recherche sur une carte géographique a donné pour résultat Middle Road et Kingston, près des écluses où le drame allait survenir, deux semaines plus tard. À partir du 16 juin, les recherches ont porté particulièrement sur la location de bateau et les boîtes de métal à vendre.

Le policier a aussi montré qu'Hamed s'est servi de Panoramio, un site web qui permet de consulter la photographie précise d'un endroit, ainsi que les images par satellite. Les recherches du jeune homme ont porté sur une foule de cours d'eau et de lieux, dont Baskatong, Grand-Remous, Grand Isle, le lac Saguay, le lac Saint-François, L'Île-Perrot, Coteau-du-Lac, le lac des Deux Montagnes, le parc du Vieux-Moulin, à Saint-Bruno, et le mont Saint-Hilaire. Le policier poursuivra son témoignage ce matin.

Il est à noter qu'hier matin, le jury, le juge, les avocats et le personnel de la cour sont allés sur les lieux des crimes allégués, à l'écluse de Kingston Mills. Pendant 45 minutes, par un froid glacial, les jurés se sont promenés sur le lieu historique pour mettre dans son contexte la preuve qui leur est présentée depuis une semaine. Ce genre de déplacement au cours d'un procès n'est pas courant, mais il est particulièrement indiqué quand la scène d'un crime allégué est complexe, ce qui est le cas ici. Il va sans dire que l'exercice a été encadré par un important dispositif de sécurité, comprenant un maître-chien et une embarcation qui sillonnait les eaux non loin des écluses.