Dans un jugement très étoffé, la Cour d'appel vient de confirmer la condamnation du mafioso Vincenzo Armeni pour trafic de cocaïne. Le tribunal refuse aussi d'alléger sa peine de 19 ans de pénitencier, la plus lourde jamais prononcée au Québec en matière de narcotrafic.

Par ailleurs, on apprend dans une ordonnance de communication de la GRC qu'Armeni, 55 ans, vieux routier du clan calabrais, aurait fourni des milliers de dollars à son neveu, Gennaro Di Marzio, alors chef d'équipe au service du recouvrement des recettes de l'Agence du revenu du Canada (ARC).

Selon cette ordonnance datée de mai dernier, que Radio-Canada a obtenue, Di Marzio aurait investi cet argent dans des entreprises entre 1996 et 2005. Aucune accusation n'a été portée pour l'instant dans ce dossier. Di Marzio a été congédié de l'ARC l'an dernier.

En 2007, un jury a déclaré Vincenzo Armeni coupable d'avoir organisé l'importation de 761 kg de cocaïne pure à 85%. Le juge Richard Wagner, de la Cour supérieure, l'a condamné à une peine de prison exemplaire. Armeni s'est adressé à la Cour d'appel pour faire casser le verdict et la peine, en vain.

«Le juge (Wagner) ne fait état que de facteurs aggravants qui sont, en l'espèce, très importants», dit le juge Guy Gagnon, qui a rédigé la décision de la Cour d'appel, rendue mercredi.

«La quantité et la pureté de la drogue saisie suggéraient des transactions avec le monde interlope de haut niveau, ce qui supposait aussi un degré de sophistication dépassant celui que l'on retrouve habituellement chez le simple revendeur», ajoute le juge Gagnon, qui qualifie Armeni de «véritable grossiste».

Dénoncé par un complice

Le 8 décembre 2005, la police a découvert plus de 240 kg de cocaïne dans le sous-sol d'une maison de Blainville, au nord de Montréal. Elle a arrêté le locataire, Sylvain Garand, lequel a collaboré avec la police et dénoncé ses complices.

Cinq mois plus tôt, a-t-il révélé, il s'était rendu avec un dénommé Alfredo Minisini, son beau-frère, à la Brasserie RD, rue Jean-Talon, à Montréal. Armeni leur a alors remis les clés de deux camionnettes garées près de la brasserie. Elles contenaient au total 761 kg de cocaïne.

C'était la deuxième fois que Garand rencontrait Armeni. Mais il n'a pas réussi à reconnaître sa photo parmi celles que la police lui a présentées. Il ne l'a identifié que plus tard, au cours d'une tournée en voiture avec des policiers.

Armeni a été arrêté en mai 2006. Le témoignage de Garand a joué un rôle important dans sa condamnation. Armeni estime que le juge Wagner aurait dû insister beaucoup auprès du jury sur le fait que ce témoignage était faible. La Cour d'appel reconnaît que le témoin était taré, mais d'autres preuves confirmaient le témoignage, notamment des relevés téléphoniques.

Facteur aggravant, Armeni avait un lourd casier judiciaire. Il avait déjà été condamné à trois peines de prison pour importation et trafic de drogue.

L'année dernière, Revenu Québec a inscrit une hypothèque légale sur sa maison de la rue de la Princesse, à Laval, qui a une valeur de 902 300$ au rôle d'évaluation municipale et qu'il a vendue à sa femme Giuseppina Vaccarello. Le fisc souligne qu'aucun impôt n'a été payé sur les millions de dollars de profits tirés de la vente de cocaïne et réclame par conséquent la somme de 358 473$.

Par ailleurs, l'enquête de la GRC sur son neveu, Gennaro Di Marzio, lui-même ancien inspecteur du fisc, est liée aux profits des activités criminelles d'Armeni. Concetta Deluca, propriétaire des entreprises Coutures et broderies Conrad, a déclaré aux enquêteurs que les 275 000$ que lui avait avancés Di Marzio provenaient notamment d'Armeni.