Tournoi de hockey en Europe, vacances familiales en Floride, week-end de ski au mont Tremblant avec une copine: en attente de recevoir sa peine, l'adolescent qui a reconnu avoir leurré quatre camarades de classe afin d'obtenir des faveurs sexuelles s'est payé du bon temps.

C'est ce qui a été révélé, hier, à la troisième journée des plaidoiries sur la peine de l'accusé* de 17 ans, en Chambre de la jeunesse de Montréal.

Après avoir reconnu sa culpabilité, en novembre dernier, à des accusations d'agression sexuelle, de leurre informatique et de possession de pornographie juvénile, le garçon a pu continuer à pratiquer son sport favori et poursuivre ses études dans une autre école privée. C'est ce qu'a expliqué la déléguée jeunesse chargée de l'évaluer, Hélène Bois, contre-interrogée par la Couronne.

L'accusé a même participé à un tournoi de hockey en Europe puisque le tribunal ne lui avait pas interdit de sortir du pays. Il a également passé Noël en famille en Floride, ce qui a reporté sa rencontre d'évaluation avec la déléguée jeunesse. Cette dernière, criminologue de formation, ne semblait pas avoir été ennuyée par tout cela. «C'est important pour nous qu'un jeune ait des loisirs, se trouve un travail ou poursuive ses études», a-t-elle expliqué.

Même une fois que l'adolescent aura reçu sa peine, la déléguée jeunesse n'hésiterait pas à faire lever son couvre-feu au besoin pour qu'il continue à jouer au hockey.

Un long soupir

La mère de l'une des victimes, dans l'assistance, n'a pu réprimer un long soupir de désapprobation.

Mme Bois ne recommande pas que le garçon soit placé en centre jeunesse. Elle souhaite qu'il purge une peine avec sursis de 6 mois, suivie de 18 mois de probation. L'avocate de l'accusé, Me Ginette Gravel, est d'accord.

De son côté, la procureure de la Couronne, Me Marie-Claude Bourassa, estime que cette peine serait beaucoup trop clémente en regard de la gravité des gestes commis. Elle souhaite que le coupable soit placé sous garde dans un centre jeunesse durant huit mois, puis surveillé de près dans la communauté durant quatre mois.

Mme Bois, employée du centre jeunesse de Montréal, ne croit pas que ce soit nécessaire puisque le garçon ne fréquente pas les gangs de rue et qu'il bénéficie d'un bon encadrement parental, contrairement à la majorité des jeunes délinquants mis sous garde. Un placement en centre jeunesse repousserait son entrée au cégep, prévue à la fin août, a déploré Mme Bois.

L'accusé, âgé de 15 ans au moment des faits, prétendait faire partie de la mafia pour obtenir des faveurs sexuelles, des photos et des vidéos pornographiques de quatre de ses camarades de classe. À l'époque, en 2009, ils fréquentaient tous un chic collège privé montréalais.

L'adolescent affirmait être en danger de mort. La seule chose qui pouvait le sauver, disait-il, était d'envoyer à «l'ennemi» du matériel pornographique produit avec l'aide de ses amies.

Les victimes - et même les parents de l'accusé - n'ont découvert le pot aux roses que lorsque les enquêteurs de la police de Montréal s'en sont mêlés.

L'adolescent a été réticent à avouer le stratagème à ses parents même après avoir été placé devant la preuve des policiers, plusieurs mois après qu'il eut agressé sexuellement l'une des victimes.

Aujourd'hui, l'accusé reconnaît en partie les torts qu'il a faits à ses victimes, selon la déléguée jeunesse. Il nie avoir demandé une fellation à l'une d'elles, alors que la preuve vidéo prouve le contraire.

L'une de ses victimes a tenté de se suicider.

Thérapie essentielle

La déléguée jeunesse recommande qu'il suive une thérapie pour délinquants sexuels. En février dernier, il lui a affirmé qu'il n'en avait pas besoin et que des travaux communautaires suffiraient.

Après avoir réfléchi, il a toutefois changé d'idée et vient d'entreprendre une thérapie, a fait valoir son père, qui a également témoigné, hier.

«Je n'ai pas vu que mon fils avait un problème», a dit le père, qui a tenu à s'excuser auprès des victimes. «Avec le recul, j'aurais peut-être dû être plus à l'écoute. Vous savez ce que c'est lorsqu'on travaille beaucoup.»

Le juge Denis Asselin a voulu poser des questions à l'accusé, qui s'est tenu la tête entre les mains en fixant le sol durant toute l'audience. L'adolescent, qui n'était pas contraint de témoigner, a refusé.

Les plaidoiries sur la peine se poursuivront le mois prochain.

*L'identité de l'accusé est frappée d'un interdit de publication.