Le père de Jessica* a eu un terrible choc en découvrant que sa fille de 15 ans, «élève modèle» d'un collège privé montréalais, avait posé nue et tourné deux vidéos pornos pour «venir en aide» à un camarade de classe.

Ce camarade de classe prétendait faire partie de la mafia pour obtenir des faveurs sexuelles. Il a ainsi leurré quatre adolescentes, dont Jessica.

«C'était comme tomber du 44e étage de la Place Ville-Marie», a décrit le père de famille au juge Denis Asselin, hier, en Chambre de la jeunesse de Montréal dans le cadre des plaidoiries sur la peine à imposer au garçon de 15 ans qui a agressé sa fille.

L'accusé, âgé de 17 ans aujourd'hui, a plaidé coupable en novembre dernier à cinq chefs d'accusation d'agression sexuelle, de leurre informatique et de possession de pornographie juvénile.

L'adolescent prétendait être en danger de mort. La seule chose qui pouvait le sauver, disait-il, était d'envoyer à «l'ennemi» des photos de ses amies nues. Ou encore des vidéos dans lesquelles les filles avaient une relation sexuelle avec lui.

Fugue nocturne

C'est le père de Jessica qui a tout découvert en juillet 2009. Au beau milieu de la nuit, quelques heures à peine avant le départ de toute la famille pour des vacances estivales au Mont-Tremblant, il s'est rendu compte que sa minifourgonnette n'était plus garée dans son entrée.

Sa fille et deux de ses amies invitées à dormir à la maison avaient aussi disparu. Sa femme et lui les ont interrogées au retour de leur virée nocturne. C'était la première fois que leur fille leur désobéissait. Jessica n'avait jamais eu de problèmes scolaires. Pas même une petite retenue.

Les parents ont alors cru à une bêtise sans conséquence typique de l'adolescence. Mitraillées de questions, les filles ont fini par craquer. Leur vie était en danger. Tout comme celle de leur ami dans la mafia. Elles venaient de tourner une vidéo pour le sauver.

Les parents de Jessica avaient déjà entendu leur fille parler de cet ami qui se vantait d'être un enfant de mafieux, mais ils croyaient à des ouï-dire. L'ado était un «bon prince», toujours gentil, a décrit le père de famille. Il n'écartait toutefois pas la possibilité que cela soit vrai puisque les parents du jeune sont d'origine italienne.

Cette affirmation a soulevé l'ire des parents de l'accusé, assis dans la salle aux côtés de leur fils en liberté provisoire.

Ce matin-là, plutôt que d'appeler la police, le père de Jessica a pris contact avec les parents des autres filles. Ensemble, ils ont décidé qu'il valait mieux leur faire quitter la ville pour quelque temps.

Le père de Jessica a aussi joint l'adolescent pour lui dire de mettre fin aux menaces. Celui-ci lui a répondu: «Vos filles n'ont plus rien à craindre. Je vous souhaite de belles vacances à Tremblant. Mes hommes vont vous protéger.»

À la rentrée, l'adolescent a changé d'école. L'affaire a été enterrée jusqu'au jour où Jessica a été prise en train de fumer une cigarette sur le terrain du chic collège privé.

La direction de l'école l'a obligée à rencontrer une intervenante en toxicomanie. L'adolescente lui a déballé son sac. Elle a raconté l'agression sexuelle dont elle avait été victime lors du tournage des vidéos avec preuve à l'appui. Elle avait conservé les vidéos.

Auprès de ses parents, elle avait minimisé ce qui s'était passé. Elle leur avait parlé de deux ou trois photos coquines et d'un film raté.

La direction de l'école a alerté les autorités. Les enquêteurs du module d'exploitation sexuelle des enfants de la police de Montréal ont saisi les cellulaires et les ordinateurs des filles.

«N'eût été l'intervention de l'école, vous n'auriez jamais appelé la police?», a demandé le juge, l'air perplexe. «Notre priorité, c'était la sécurité des filles», a répondu le père de famille.

Des victimes traumatisées

Jessica a eu besoin de consulter un psychologue après avoir dénoncé son agresseur. Elle faisait de l'insomnie et des crises de panique.

Une seconde victime a fait une tentative de suicide quelques mois après le tournage de la vidéo. «Notre vie a chaviré cet été-là», a-t-elle témoigné, également hier. Elle s'est sentie «idiote» et «répugnante» d'avoir cru aux mensonges de l'accusé. «Je sais aujourd'hui que la vie va être dure et cruelle», a dit l'adolescente sans jeter un seul regard vers l'accusé, assis dans l'assistance, puisqu'il est en liberté provisoire.

Une troisième victime a écrit une lettre tout aussi bouleversante qui a été déposée en preuve. «S'il y a une chose que j'ai retenue de cette histoire, c'est de toujours rester sur mes gardes.»

Au cours de l'audience d'hier, le juge Asselin n'a pu s'empêcher d'exprimer son étonnement face à la naïveté des victimes et de leurs parents. Ces derniers ayant également cru, jusqu'à un certain point, à l'histoire de l'adolescent dans la mafia.

«J'ai beaucoup de misère à comprendre depuis le début de l'audience la façon dont on raisonne», a lancé le magistrat, insistant sur le fait que ni les parents ni les filles n'avaient appelé la police.

Les plaidoieries sur la peine se poursuivent demain.

*L'identité des victimes et de l'accusé est frappée d'un interdit de publication.