«Il n'y a pas de justice», a lâché Benjamin Hudon-Barbeau dans le box des accusés, hier après-midi, après que le juge Jean-Guy Boilard l'eut condamné à 12 ans de prison en lien avec un double meurtre commis au bar Upperclub.

La nuit du 24 octobre 2006, après une querelle soudaine dans la section VIP du bar du boulevard Saint-Laurent, Jean-Patrick Fleury, 28 ans, et Vladimir Nicolas, 31 ans, ont été criblés de balles dans les escaliers de secours. Hudon-Barbeau a été arrêté huit mois après et a été accusé de meurtres non prémédités. Il a eu son procès devant un juge seul au cours des dernières semaines.

Au terme de son délibéré, hier matin, le juge Jean-Guy Boilard l'a déclaré coupable de deux tentatives de meurtre. Le magistrat est certain que l'accusé a tiré en direction de deux Noirs qui fuyaient, comme l'a soutenu un témoin oculaire, Kim Lamoureux. Cependant, la preuve ne démontre pas que ses coups de feu ont contribué à la mort des deux victimes, a estimé le juge. L'enquête a démontré qu'il y avait deux tireurs puisque deux armes ont été utilisées. Il est à noter que seul Hudon-Barbeau a été accusé. La querelle impliquait de 10 à 15 personnes, selon des témoins.

Il clame son innocence

Après avoir rendu son verdict, le juge a invité l'accusé à s'exprimer s'il le désirait avant qu'il ne prononce la peine. «J'en aurais long à dire», a dit l'homme de 34 ans, la voix étranglée par l'émotion. Jamais je n'ai tiré. Je suis un spécialiste en arts martiaux», a-t-il dit, entendant par là qu'il n'a pas besoin d'arme pour se défendre. Il a fait valoir que les policiers lui avaient mis énormément de pression pour qu'il devienne délateur dans l'opération SharQc. Il a toujours refusé. «J'aurais préféré mourir», a-t-il dit. Il pense que son refus a quelque chose à voir avec le fait que les accusations ont été maintenues contre lui même s'il n'est pas coupable, dit-il.

Dans sa décision, le juge Boilard a noté le fait que l'accusé n'avait pas témoigné pour sa défense. Hudon-Barbeau a expliqué qu'il avait suivi les conseils de son avocat, Pierre Poupart, qui trouvait la preuve très faible. «J'aurais voulu témoigner, a dit l'accusé. J'ai été faussement accusé de meurtre. J'avais confiance en un homme de droit. Dieu seul sait que je suis innocent. Je vais faire des années de prison qui ne sont pas les miennes. Je vais faire mon temps la tête haute.»

La salle d'audience était remplie par les amis et la famille de l'accusé. Plusieurs enquêteurs de la section des crimes majeurs s'y trouvaient aussi. L'accusé a eu peu de condamnations et n'avait jamais écopé d'une peine de prison ferme, mais on le soupçonne de frayer avec les gens du crime organisé. L'Upperclub était fréquenté par des motards criminels, des membres de la mafia italienne et des gangs de rue.

En appel

Hier après-midi, le juge s'est rendu à la suggestion du procureur de la Couronne Randall Richmond, qui réclamait 12 ans de prison. Me Poupart, qui croit fermement à l'innocence de son client, était manifestement assommé par le verdict. Il suggérait une peine de moins de 10 ans. Hudon-Barbeau est détenu depuis plus de trois ans, ce qui lui sera crédité en double. Il lui reste donc une peine de cinq ans et trois mois à purger.

Hélène Hudon et Michel Barbeau, parents de l'accusé, sont scandalisés par le verdict et assurent que leur fils en appellera. «Il est innocent. C'est un coup monté. Benjamin n'est pas un ange, mais il n'a pas tué. Il est fort, mais ils sont en train de le détruire. Je suis en prison à ciel ouvert», a clamé sa mère à la sortie de la salle d'audience. Benjamin Hudon-Barbeau est l'aîné des 12 enfants de Michel Barbeau, lui-même condamné dans les années 90 pour un double meurtre. L'homme, qui est sorti de prison depuis plusieurs années, a publié un livre à compte d'auteur il y a quelques mois pour soutenir son fils: Coupable d'être innocent, l'affaire Benjamin Hudon-Barbeau.



Témoin crédible, selon le juge

Le juge Boilard a en grande partie appuyé son jugement sur le témoignage de Kim Lamoureux, une jeune femme qui vendait de la drogue au bar Upperclub, la nuit des meurtres. Elle soutenait avoir vu l'accusé tirer en direction de deux Noirs qui fuyaient vers l'escalier de secours. Les corps criblés de balles des victimes ont été trouvé dans cet escalier. Selon plusieurs témoins, ils avaient été au centre d'une querelle dans la section VIP du bar, quelques minutes avant la fusillade. De dix à quinze personnes, dont des italiens, auraient pris part à cette querelle.

Il n'y avait pas trace de sang, ni de projectiles à l'intérieur du bar. L'enquête démontre qu'il y avait deux tireurs, puisque des balles de deux calibres différents ont été tirées sur les victimes. Le juge est persuadé que  Hudon-Barbeau est l'un des tireurs, et qu'il a fait feu en direction des victimes pour les tuer. Ne connaissant pas le calibre de son arme, il n'a pas la preuve que celle-ci a fait mouche. Le magistrat a donc opté pour un verdict de culpabilité à une accusation moindre.

Me Randall Richmond, de la Couronne, réclamait 12 ans, tandis que Me Pierre Poupart, manifestement abattu par la décision, demandait une peine de moins de dix ans. Le juge a rendu sa décision à 14 heures.

L'escalier de secours du bar Upper Club où les deux victimes ont été retrouvées.