Le milieu juridique québécois est en deuil. L'un des juges les plus respectés de la province, le juge Jean-Pierre Bonin, est décédé après avoir fait une crise cardiaque plus tôt cette semaine, alors qu'il était en Ontario pour y prononcer une conférence.

La nouvelle du décès du juge de 68 ans a ébranlé tout le monde: ses collègues à la magistrature, les procureurs de la Couronne et les avocats de défense. «Pour nous, c'est une perte énorme. Il était infatigable. Il adorait son travail. Il donnait des formations. Il était toujours prêt», a souligné avec des trémolos dans la voix, le juge Maurice Galarneau, juge en chef adjoint à la Cour du Québec district de Montréal. Les deux juges se sont connus il y a 30 ans, alors qu'ils étaient procureurs de la Couronne.

Au cours de sa carrière à la Cour du Québec, le juge Bonin a entendu plusieurs causes médiatisées impliquant entre autres des membres du crime organisé. C'est lui qui a envoyé en prison les leaders du clan Rizzuto à la suite de la vaste opération anti-mafia Colisée. C'est aussi le premier juge au Canada à avoir condamné des membres d'un gang de rue pour gangstérisme, soit le gang de la rue Pelletier en 2007.

Pas plus tard que la semaine dernière, le magistrat a condamné à trois ans de prison le propriétaire d'une garderie de Côte-des-Neiges, Allan Frederick James, pour avoir agressé sexuellement trois fillettes.

Jean-Pierre Bonin a commencé à pratiquer le droit en 1967. Devenu procureur de la Couronne en 1973, il a traité des causes criminelles émanant du saccage de la Baie James, de nombreux dossiers d'homicide et de trafic de drogues lié au crime organisé. Dix ans plus tard, il a été nommé juge.

Selon le juge Galarneau, le juge Bonin n'envisageait pas la retraite. Il avait fait une crise cardiaque il y a une dizaine d'années, et prenait soin de sa santé. Il sera difficilement remplaçable. «Je ne sais pas si on peut remplacer le juge Bonin», conclut le magistrat.

Le juge Bonin était hautement respecté au palais de justice de Montréal où il siégeait. «Tout le monde a de la peine, autant la Couronne que la défense. Ici, le juge Bonin, c'est un monument», a dit pour sa part le criminaliste Charles Montpetit.

Pour Me Gaétan Bourassa, vétéran de l'Aide juridique, le juge Bonin était un homme direct, un peu sanguin, «beaucoup même». «Il avait l'esprit décisionnel rapide, et il se trompait rarement.»

«C'était un juge d'une grande efficacité. Intempestif, mais sans aucune malice», se souvient Me Jacques Rougeau qui a souvent joué au tennis avec le juge Bonin avant sa première crise cardiaque.

«C'est un gros morceau qui part. Je perds un modèle», ajoute l'avocat Francis Le Borgne. «Il avait l'esprit de synthèse. Il faisait l'unanimité autant chez la Couronne, que la défense.»

Même son de cloche du côté de Me Alexandre Goyette, jeune avocat en défense. «C'était un gentleman, un gars de caractère, franc, direct. C'était un plaisir de plaider devant lui. Il était impartial», souligne-t-il.

En plus de la communauté juridique, le juge Bonin laisse dans le deuil sa femme, Mireille Picard, et leurs trois enfants: Isabelle, Dominique et Caroline.