Martin Roy, ex-motard devenu délateur, vient de donner un nouvel exemple des succès du crime organisé à infiltrer l'économie légale en révélant avoir été actionnaire et directeur de promotion au début des années 2000 du populaire magazine culturel Nightlife, distribué encore aujourd'hui dans les bars de la métropole.

Roy, ex-membre des Evil Ones (club-école des Hells sur la Rive-Sud), a fait cette révélation en décrivant son parcours criminel au cours d'une audience préliminaire aux éventuels superprocès découlant de l'opération policière SharQc, au centre judiciaire Gouin, plus tôt cette semaine. Quelque 155 personnes ont été inculpées dans cette vaste rafle antimotards.

 

«Il fallait avoir une job légale, alors j'ai ouvert une compagnie», a expliqué le délateur dans une salle sous haute surveillance policière. Martin Roy prétend s'être associé avec trois personnes qui n'avaient rien à voir avec les Hells Angels pour fonder l'entreprise NL qui publiait la revue Nightlife.

«Je faisais le tour des bars et des restaurants pour vendre de la publicité. Je connaissais déjà tous les propriétaires parce que je faisais le tour pour la vente de stupéfiants», a expliqué celui qui a commencé à fréquenter le milieu des gangs de motards au début des années 90. Il a aussi organisé des événements dans des bars, notamment au défunt Medley.

Martin Roy soutient avoir déjà utilisé les bureaux du magazine pour discuter d'achat d'armes à feu avec les Hells Angels du chapitre South, Guy Dubé et Michel Guertin.

Alors qu'il jonglait sérieusement avec l'idée de retourner sa veste à l'automne 2001, les policiers ont trouvé une arme à feu dans son véhicule à l'effigie du magazine.

Tous les employés recevaient une paie, sauf lui, selon son témoignage. De 2001 à 2003, il recevra de l'argent de la police pour son travail d'informateur dans le cadre d'une opération policière baptisée projet Ziplock. Le délateur touchera 625 000$ en plus d'une allocation de dépenses de 500$ par semaine.

En 2003, au terme de ce projet d'enquête qui permettra d'inculper 17 Hells Angels, Roy a bénéficié du programme de protection des témoins. «J'ai été retiré», a-t-il dit pour expliquer son départ du magazine. Moins d'un an plus tard, la revue culturelle gratuite fondée en 1999 sera vendue à l'agence de placement publicitaire Newad qui en devient l'unique propriétaire. Roy n'a pas touché un cent de la vente, a-t-il précisé.

L'actuel directeur général de Nightlife média, Yann Fortier, n'a jamais entendu parler de Martin Roy. «Personne chez Nightlife ne le connaît. De la comptabilité en passant par la rédaction, personne n'était là à cette époque. Tout ce qu'il reste des premières années de l'entreprise qui utilisait le nom NL, c'est le nom du magazine», insiste M. Fortier.

La direction actuelle affirme que Martin Roy ne figurait pas parmi les actionnaires au moment de l'acquisition du magazine par Newad. La revue est distribuée à plus de 40 000 exemplaires aujourd'hui. «Nightlife est une référence culturelle à Montréal qui a remporté de nombreux prix pour la qualité de son contenu», souligne M. Fortier.

Devenu délateur

Au cours de sa carrière criminelle, Martin Roy a trempé dans le trafic de stupéfiants et le prêt usuraire. Lorsqu'il est devenu délateur, il avait contracté une dette de près de 2 millions de dollars auprès de Hells Angels. «Je ne pense pas que j'aurais pu changer de vie et d'amis sans avoir les Hells à mes trousses», a-t-il témoigné cette semaine.

La preuve du ministère public qui sera présentée aux futurs superprocès repose entre autres sur son témoignage. L'imposante preuve de l'opération SharQc couvre la période de mai 1992 au 15 avril 2009. La poursuite tentera de démontrer que les Hells Angels forment une seule organisation criminelle au sens du Code criminel et que ses membres commettaient des meurtres pour le contrôle du trafic de drogue.