La mère de 44 ans soupçonnée d'avoir infligé des sévices à six de ses huit enfants pendant des années a nié en bloc, hier, tout ce que la poursuite lui reproche. Sa relation avec ses enfants était «en général très bonne», a-t-elle témoigné pour sa défense.

«En aucun temps, je n'ai porté atteinte à leur bien-être», a dit cette femme qui a perdu la garde de ses enfants depuis son arrestation. «Pour leur sécurité», elle empêchait même ses enfants de jouer au soccer avec des jeunes plus âgés, car ils risquaient de se blesser avec les «jeux de pieds», a-t-elle fait valoir.

 

La mère de famille est inculpée de 14 chefs d'accusation de voies de fait, voies de fait graves et menace de mort. Les faits reprochés se seraient déroulés entre 1988 et 2007. Ses enfants sont aujourd'hui âgés de 5 à 24 ans. Une ordonnance de non-publication interdit aux médias de les identifier.

Les «mauvaises fréquentations» de ses deux filles aînées sont à l'origine de tous ses problèmes, a-t-elle témoigné. Les adolescentes se sont rebellées lorsqu'elle leur a interdit de se tenir avec les jeunes voisins du HLM dans Hochelaga-Maisonneuve, des «vendeurs de drogues». «C'est dangereux, ce quartier-là. Les gangs de rue y sont omniprésents», a insisté la mère sans emploi.

L'accusée a allégué que sa fille aînée, aujourd'hui âgée de 21 ans, était comme «Cruella dans les 101 dalmatiens». C'était elle qui battait les autres enfants, a-t-elle dit. Lors de son témoignage plus tôt au procès, la jeune femme a reconnu avoir frappé ses jeunes frères à coups de bâton de hockey comme elle avait vu sa mère le faire.

La mère de famille a minimisé l'incident du 16 juin 2007 où elle aurait tenté de noyer sa fille de 14 ans lors d'une sortie familiale au parc Bellerive sur le bord du fleuve Saint-Laurent, selon la thèse de la poursuite.

Son adolescente boudait ce jour-là, car elle aurait préféré rester à la maison. Elles ne se sont pas chicanées au sujet du vol d'un sac de marijuana comme le prétend la victime, mais plutôt au sujet des clés de la maison, a témoigné la mère.

En voyant sa fille rire alors qu'elle cherchait ses clés sur la grève, la mère a déduit que sa fille les lui avait volées. C'est alors qu'elle l'aurait «retenue» au sol pour mieux la fouiller. Jamais elle ne lui aurait mis la tête dans l'eau. Sa fille aurait ensuite quitté les lieux, l'air «heureuse» sans dire où elle allait.

En contre-interrogatoire, la Couronne a toutefois mis à mal cette version en soulevant des contradictions entre le témoignage de l'accusée d'hier, et un témoignage antérieur rendu devant la chambre de la jeunesse. À l'époque, la mère avait dit que la source du conflit était la perte d'un sac de pot confisqué à un ami de sa fille. Hier, elle a donné une autre version: «Je pensais que c'était des «bourdons» d'arbre», a-t-elle indiqué. «Des bourgeons», l'a corrigée la poursuite d'un air dubitatif.

Sa fille a eu les cheveux mouillés ce jour-là parce qu'elle s'était baignée tout habillée dans le fleuve, avait aussi témoigné la mère. Hier, elle a plutôt raconté que sa fille ne s'était pas baignée. Or, selon la mère de l'accusée qui a également témoigné, hier, sa petite-fille de 14 ans est arrivée chez elle «sous le choc», les cheveux mouillés remplis d'algues.

Logement insalubre

Ce soir-là, lorsque les policiers sont arrivés au domicile familial pour retirer d'urgence les enfants de leur foyer, ils ont découvert un logement insalubre. «C'était vraiment crotté. Il y avait des excréments d'animaux au sol. Un matelas au milieu de la cuisine. Une montagne de vaisselle. Les chambres étaient en désordre», a décrit l'agent Pascal Chassé du SPVM. Il était près de minuit. Les enfants étaient seuls dans le HLM. La mère est arrivée sur les lieux quelques minutes plus tard. Elle sentait la marijuana et avait une haleine d'alcool, selon la police.

Ses filles qui ont témoigné plus tôt au procès l'auraient vu asséner un coup de bâton de hockey dans le front de l'un de leurs frères, alors que ce dernier se cachait sous un futon par crainte de se faire réprimander. Toutes deux ont témoigné que l'enfant d'une dizaine d'années saignait abondamment. Hier, la mère a plutôt dit qu'elle l'avait «frôlé» en passant le balai et qu'il ne saignait pas.

La preuve de la défense se poursuit aujourd'hui à ce procès présidé par le juge Jean Falardeau de la Cour du Québec.