Une rue paisible de l'Île-Bizard vient tout juste d'être le théâtre d'un sauvetage spectaculaire, dans lequel deux voisins ont volé au secours d'un désespéré qui tentait d'en finir en se jetant à l'eau à toute vitesse au volant de son camion.

Un spectacle inusité s'offrait aux gens sur la rue Dollard, un cul-de-sac de l'île-Bizard situé en bordure d'une petite baie le long de la rivière des Prairies.

Les employés d'une compagnie de remorquage s'efforçaient d'extirper de l'eau une camionnette blanche qui avait dérivé jusqu'au quai de Normand Bernard.

C'est lui et son voisin Paul Cool qui ont sauvé le conducteur du véhicule vers 11h ce matin.

M. Bernard tondait son gazon et son voisin était chez lui lorsque le camion a débouché au bout de la rue pour atterrir tête première dans la rivière. «J'ai entendu un gros beding! bedang! Une femme courait dans la rue et criait : appelez la police! Je vois ensuite le camion dériver à 25-30 pieds de la berge», raconte M. Cool, 53 ans.

Les deux voisins aperçoivent l'homme suicidaire, assis à l'intérieur de son camion, l'air calme, le visage ensanglanté. «Il s'est allumé une cigarette et nous a dit qu'il ne voulait pas sortir, qu'il ne savait pas nager. Il se laissait aller», ajoute M. Cool.

Lui et M. Bernard, qui voyaient la camionnette sombrer tranquillement dans la rivière, n'ont pas hésité une seconde. Paul Cool a enfilé une veste de flottaison avant de plonger à l'eau, relié par une corde à M. Bernard, resté debout sur le quai.

Ce dernier a ensuite tiré de toutes ses forces son voisin, fermement accroché au camion, afin de le ramener au quai. Durant le sauvetage qui s'est déroulé à toute vitesse, le conducteur du camion n'a pas bronché. «Il était résigné, c'est ce qui me faisait le plus peur», admet M. Cool.

Modestes, les deux voisins refusent l'étiquette de héros. «Notre devoir de citoyen était d'aller le chercher», tranche simplement Normand Bernard, 60 ans. «Et on a fait tout un travail d'équipe!» note M. Cool.

Décrit comme un «bon gars travaillant», l'homme qui a tenté d'en finir vivait seul dans un logement au bout de la rue depuis le départ de sa conjointe il y a quelques mois. Il avait des idées suicidaires depuis quelques semaines et parlait même d'«enligner» l'arbre au bout du cul-de-sac avec son camion. L'arbre en question se trouve à quelques pieds de l'endroit où le camion est passé pour tomber dans la rivière des Prairies. Le véhicule a d'ailleurs percuté de plein fouet une branche dans sa course, causant des blessures au conducteur qui n'avait pas bouclé sa ceinture de sécurité.

Tout juste avant qu'il ne pose son geste, Nadine Gravel a aperçu l'homme sortir de chez lui en trombe et rouler à tombeau ouvert vers l'eau en faisant crisser ses pneus. «Mon fils l'entendait s'engueuler lui-même.»

L'homme criait : «C'est chez moi, c'est ma rivière, je fais ce que je veux!»

Mme Gravel estime que le camion pouvait filer à plus de 80 kilomètres à l'heure avant de plonger dans la rivière. «Il était dépressif. Là, il a une seconde chance en tout cas», résume Mme Gravel.

L'homme a été transporté à l'hôpital pour y soigner des blessures mineures, notamment des coupures au visage et un nez cassé.