Ça fait 18 ans que Michel Dumont clame son innocence pour un viol qui lui a valu 34 mois de prison. Hier, dans le cadre de sa poursuite civile, l'électricien de 49 ans a replongé dans son cauchemar, pour l'expliquer en détail au juge Benoît Émery.

Se disant victime d'une erreur judiciaire, M. Dumont réclame 2,5 millions de dollars au Procureur général du Québec et à celui du Canada. La Ville de Boisbriand, qui était poursuivie aussi en raison des agissements de ses policiers, a réglé la semaine dernière avec M. Dumont. «Je suis soulagé», a dit M. Dumont au sujet de ce règlement, dont il ne peut révéler le montant puisqu'il est confidentiel. «Mais j'aurais 100 millions, ça ne réparera jamais les torts que j'ai subis.»

 

M. Dumont reproche à la Couronne d'avoir caché de l'information qui lui était favorable, notamment le fait que, après le procès, mais avant son appel, la victime avait émis de sérieux doutes sur l'identité de son agresseur. La femme avait été attaquée le 17 novembre 1990, en sortant de sa voiture à Boisbriand. L'agresseur lui avait mis un couteau sur la gorge et l'avait entraînée dans son appartement à elle, où il l'avait violée et brutalisée. La femme n'avait porté plainte que trois jours plus tard. Entre-temps, elle avait fait du lavage, effaçant les précieuses preuves.

Dumont, qui n'avait pas de casier judiciaire, avait été ciblé parce qu'il ressemblait au portrait-robot de l'agresseur. La victime l'a identifié sur des photos et il a été arrêté le 20 décembre 1990.

Au procès, M. Dumont a présenté une défense d'alibis, que la juge Céline Pelletier a rejetée. Déclaré coupable, il a été condamné à 52 mois de prison. Il a été liberé en attendant son appel. Mais en 1994, la Cour d'appel a rejeté son pourvoi. Il est sorti de prison en 1997, après avoir purgé les deux tiers de sa peine. M. Dumont a continué de se battre. En 2001, à la demande de la ministre Anne McLellan, la Cour d'appel a étudié son cas. Et cette fois, il a été acquitté. Il a entrepris une poursuite en dommages par la suite.

À cause des accusations

Hier, M. Dumont a fait valoir qu'il y a un mur entre ses enfants et lui à cause de cette erreur judiciaire, qui l'a privé de vivre ces années avec eux. Il a expliqué qu'en 1990, il venait de se séparer de son ex-conjointe, et il se battait pour avoir la garde de ses deux enfants, qui avaient alors 3 ans et 1 an. Sans cela, il aurait eu la garde, il en est certain. Ils ont plutôt été placés par la DPJ. En contre-interrogatoire, M. Dumont a dû admettre que la DPJ était intervenue bien avant, soit en 1987. Il était alors en thérapie pour un problème de «confiance en soi», et sa conjointe, dépressive, avait besoin de répit.

M. Dumont et sa conjointe de l'époque se sont séparés définitivement en juin 1990. S'il n'a pas eu ses enfants à ce moment-là, c'est parce qu'il n'avait pas encore d'appartement, dit-il. Il a demandé la garde de ses enfants en septembre 1990. Me Michel Déom, qui représente le Procureur général du Québec, lui a fait admettre qu'il avait fait une tentative de suicide ce mois-là. Lui aurait-on accordé la garde de ses enfants dans ces conditions? Me Déom estime que M. Dumont présente une version romancée des faits. Il laisse entendre que la Couronne a fait ce qu'elle devait faire avec les éléments qu'elle avait à ce moment. Le procès se poursuit ce matin au palais de justice de Montréal.