La présumée agression au kirpan survenue près d'une école primaire de LaSalle, le 11 septembre dernier, a semblé banale aux yeux des policiers. L'affaire allait même être traitée «en médiation», avaient décidé les premiers intervenants des forces de l'ordre.

C'est ce qui se dégage de deux témoignages entendus hier au Tribunal de la jeunesse, à Montréal, dans le cadre du procès d'un élève de religion sikhe. Le garçon de 13 ans fait face à trois accusations de voies de fait armées. On lui reproche d'avoir utilisé son kirpan et une aiguille (genre d'aiguille à tricoter qui lui sert à rentrer ses cheveux dans son turban) pour menacer deux élèves de son école, en l'occurrence des jumeaux.

 

Cette querelle d'élèves s'était produite hors de la cour d'école, pendant la pause du dîner, mais elle a eu des répercussions à l'école. Hier, la policière Francine Duval, du SPVM, a expliqué que, depuis 2004, elle agit à titre d'agente sociocommunautaire et d'éducatrice auprès des élèves de cette école, où elle passe en moyenne 16 heures par semaine.

Le 11 septembre dernier, alors qu'elle discutait avec un groupe de jeunes à l'heure du midi, elle se souvient avoir vu deux garçons (les jumeaux) courir pour rentrer à l'école. En y entrant à son tour, elle a appris qu'il s'était «passé quelque chose».

Dans le bureau de l'adjointe à la directrice, la policière Duval a écouté la version des jumeaux. Puis, avec deux policières arrivées sur les lieux, Mme Duval est allée chercher le jeune sikh dans sa classe. Ce dernier a donné sa version. À la demande de Mme Duval, il a sorti son kirpan et son aiguille. Le kirpan était enveloppé dans du tissu, le tout entouré d'un élastique bleu, se souvient Mme Duval. Elle a saisi l'aiguille, mais pas le kirpan.

En fait, elle a photographié le kirpan et l'a remis à la mère du garçon. «Je considérais que c'était un objet religieux», a raconté Mme Duval, hier. Mais voilà, le même jour, Mme Duval s'est fait reprocher par ses supérieurs de ne pas avoir saisi le kirpan. Elle s'est donc rendue au domicile du jeune pour le saisir.

Dans son témoignage, hier, la mère du jeune accusé se rappelait que la policière était venue saisir le kirpan à la maison. Elle s'était inquiétée de la possibilité d'une accusation contre son fils. Elle en a fait part à la policière Duval. «Elle m'a dit qu'il n'y en aurait pas», a signalé la mère du garçon. Mais il y en a eu. Deux semaines plus tard, le garçon de 13 ans a été arrêté et accusé. Fait à signaler, dans la religion sikhe, le port du kirpan n'est autorisé qu'après le baptême. Or, le garçon avait été baptisé à la fin du mois d'août. Il n'avait donc son kirpan que depuis une quinzaine de jours au moment de l'incident.

Il a été suspendu de son école mais y est retourné depuis, avec la permission du tribunal. Le procès se poursuit lundi, devant le juge Gilles Ouellette.