Un couple de vendeurs de chevaux qui a fait l'objet d'un reportage à l'émission J.E., en 2004, a été victime de diffamation, a conclu un juge de la Cour supérieure, qui condamne TVA à payer 155 000$ au couple en question.

L'acheteur mécontent qui avait soumis son histoire à J.E., Jean-Marie Nicole, est condamné conjointement avec TVA. «En somme, il a joué la victime pour tenter de convaincre J.E., ce qu'il a réussi à faire, d'utiliser son histoire banale et essentiellement privée pour en faire une affaire d'intérêt public... Il a nettement exagéré les faits, les circonstances et les conséquences de son achat de cheval», a relevé le juge Richard Nadeau.

Les chevaux

Selon le jugement, Claude Delorme est dans le domaine des chevaux depuis son enfance. Il en achetait, en vendait et agissait comme maréchal-ferrant. Sa conjointe, Nathalie Marcotte, faisait la comptabilité et la gestion du commerce de chevaux, appelé Classic Cowboy Ranch.

En février 2004, le couple a vendu un cheval 6000$ à Jean-Marie Nicole. Dès l'achat, ce dernier a confié le cheval à un entraîneur pour deux mois. À l'expiration de la garantie (qui était de deux mois), l'acheteur, M. Nicole, a récupéré son cheval. Dans les semaines suivantes, il s'est déclaré insatisfait.

La bête avait une raideur à l'avant. Un examen radiologique a en outre révélé que ses jarrets étaient affectés d'un vice caché qui risquait d'entraîner une sérieuse boiterie à long terme.

M. Nicole a réclamé un remboursement. Le vendeur Claude Delorme ne s'estimait pas responsable, disant ignorer comment le cheval avait été traité depuis la vente.

Il a avisé M. Nicole qu'il devrait le poursuivre aux petites créances.

J.E.

M. Nicole s'est plutôt tourné vers J.E., qui a accepté de réaliser un reportage sur les problèmes dans la vente de chevaux, en s'appuyant sur l'histoire de M. Nicole. Le couple vendeur a accepté, à contrecoeur, de donner son point de vue dans l'émission. Mais selon le juge, le couple a projeté une image peu reluisante. «[...] les demandeurs, malheureusement pour eux, ne font pas belle figure. Ils ont l'air rigides, Delorme apparaît plus enragé que d'autre chose en pointant de ses gros doigts un passage du contrat de vente et l'expiration de la garantie», note le magistrat.

Paradoxalement, le juge estime que M. Nicole avait raison de demander un remboursement et que les vendeurs ont eu tort de ne pas négocier un règlement. Le magistrat estime cependant que M. Nicole a voulu se faire justice lui-même. Le juge est d'avis que l'émission montre un «débalancement évident en faveur de la victime, Nicole, et du pauvre cheval», en comparaison des explications des vendeurs, se résumant à «quelques instants».

Le juge retient que le reportage a eu un effet catastrophique sur le commerce du couple, qui est «tombé à plat». Le juge évalue aussi que la réputation de Delorme a souffert et que sa conjointe en a subi les contrecoups.

Peu prisé

Le magistrat se montre critique face aux émissions d'enquête comme J.E., Enquête et La facture, où on «dévoile souvent des cas de fraude, d'escroquerie, de détournement et d'abus».

«C'est un «tribunal» public (certains parleront de lynchage ou d'inquisition), où les participants sont souvent blancs (victimes) ou noirs (escrocs, etc.), sans droit de regard et sans possibilité de se défendre. Le tribunal se croit permis d'ajouter en passant que l'avenir ne sera pas plus rose, bien au contraire! On parle de plus en plus d'une autre forme de tribunal public encore plus dévastateur: les célèbres réseaux sociaux qui, en quelques minutes, peuvent soulever les passions... et même amener la déchéance des gouvernements. Gare à ceux qui en sont les victimes ou les proies.»

Le jugement sera porté en appel, a confirmé Me Christian Leblanc, qui représente TVA dans cette affaire. Me Leblanc est d'avis que rien dans le jugement ne démontre un mauvais travail journalistique. Il considère aussi que la preuve de dommages n'a pas été faite.