Un délateur craint à ce point pour sa vie qu'il préfère rester en prison plutôt que d'être transféré en maison de transition.

Admissible à une libération conditionnelle, Stéphane Faucher accepte d'être envoyé en maison de transition à la condition que l'établissement n'héberge... aucun autre délinquant.

Comme une maison de transition est par définition peuplée de criminels, l'aspirant Hells qui a retourné sa veste a demandé de rester au pénitencier.

L'ex-motard de 43 ans a fait cette requête pour le moins inusitée durant son audience de libération conditionnelle, plus tôt cet hiver.

Son cas est tellement complexe que les autorités carcérales ont acquiescé à sa demande de demeurer incarcéré, à la fois pour sa propre protection et celle de la société, peut-on lire dans la décision de la Commission des libérations conditionnelles du Canada rendue le 29 janvier.

Arrêté dans le cadre de l'opération Printemps 2001, l'ex-motard purge une peine de 14 ans de prison pour complot de meurtre, gangstérisme et trafic de drogues. Après son arrestation, il a signé un contrat de délateur avec l'État. Sa collaboration a été de très courte durée.

Au moment des superprocès en 2003, Faucher a refusé de témoigner contre ses anciens confrères des Hells Angels, faisant ainsi faux bond à la poursuite.

À l'époque, il avait expliqué son changement de cap en disant qu'il avait peur d'être tué s'il dénonçait ses anciens complices. Un juge l'avait alors condamné pour outrage au tribunal.

Évaluations psychiatriques

Détenu depuis 2002, le délateur a subi plusieurs évaluations psychologiques et psychiatriques. Les experts ne s'entendent pas sur le trouble dont il souffre, mais les rapports apportent un éclairage sur ses tergiversations.

Un expert a diagnostiqué un «trouble délirant de type persécutoire ou de schizophrénie». Un autre parle de symptômes légers de trouble du spectre de l'autisme qui sont aggravés par sa «situation légale et carcérale problématique et confuse».

La prison a même obtenu une ordonnance de traitement d'une durée de trois ans, période durant laquelle il a été sous médication contre son gré. Il a longtemps été incarcéré dans un établissement à sécurité maximale en raison de ses comportements «bizarres, menaçants et même violents envers les codétenus et les membres du personnel».

L'an dernier, un complot visant à l'éliminer a été déjoué en prison. Rien pour calmer sa paranoïa.

Depuis quelques mois, son état de santé mentale s'est stabilisé, notent les commissaires aux libérations conditionnelles. «Vous ne présentez plus d'hostilité et d'agressivité envers autrui et aucun indice de désorganisation n'est relevé présentement», peut-on lire dans la récente décision.

Cela dit, les commissaires le considèrent encore comme trop «fragile» pour le laisser sans surveillance. «Vous nécessitez un encadrement serré par des personnes spécialisées en maladie mentale afin que vous puissiez fonctionner sur une plus longue période de temps et démontrer que vous contrôlez votre paranoïa et votre agressivité envers les autres personnes de votre environnement», écrivent-ils.

Les autorités lui ont donc suggéré une maison de transition où il aurait pu recevoir l'encadrement approprié. Or, comme Faucher refuse d'y être envoyé, il restera incarcéré au moins pour la prochaine année.