À l'été 2009, Charles-Antoine Masson a reçu une contravention de 160$ pour s'être trouvé dans un parc 10 minutes après l'heure de fermeture, amende qu'il a aussitôt contestée. À son grand désarroi, c'est seulement l'automne dernier qu'un juge de la cour municipale a fini par entendre sa cause et accepté d'annuler son constat. «Quatre ans, c'est inadmissible», dit-il.

Ce Montréalais ne serait pas le seul à faire les frais d'un engorgement frappant la cour municipale de Montréal. La métropole reconnaît qu'il y a «des retards dans le traitement des dossiers judiciaires». La Ville de Montréal explique que le nombre de causes est en augmentation constante depuis 2002, alors que des compressions avaient été imposées à ce service.

Préoccupé par la situation, le directeur des services juridiques de la Ville, Benoît Dagenais, s'est engagé à «réduire les délais». Pour faire face au flot de causes à la cour municipale, Montréal a décidé de débloquer 1,2 million de plus par année. Cet ajout budgétaire «a permis de pourvoir plusieurs postes qui demeuraient vacants et d'autoriser du travail en heures supplémentaires», a indiqué un porte-parole municipal, Gonzalo Nunez.

Les plaintes ont doublé

En attendant que la situation revienne à la normale, les retards font rager de nombreux Montréalais. La cour municipale est d'ailleurs devenue le principal service de la Ville visé par les plaintes formulées à l'Ombudsman de Montréal. En 2012, 113 personnes ont dénoncé son fonctionnement, soit deux fois plus qu'en 2007.

Charles-Antoine Masson attribue ses démêlés avec la cour municipale à cet engorgement. Après avoir contesté sa contravention à l'été 2009, c'est seulement deux ans et demi plus tard qu'il a eu des nouvelles... quand un huissier a cogné à sa porte, lui disant qu'il avait été déclaré coupable. Les frais de service avaient gonflé son amende, qui était passée de 160$ à 450$. Il a finalement réussi, un an et demi plus tard, à faire renverser son verdict de culpabilité.

Après avoir reçu une contravention de stationnement en décembre 2012, c'est seulement en novembre dernier qu'Éric Fourlanty a été entendu. Reconnu coupable, il estime avoir perdu sa contestation en raison du long délai pour entendre sa contestation.

Un avocat habitué à plaider à la cour municipale a dit lui aussi constater un engorgement. Il observe une augmentation de causes pour des délits mineurs, comme des graffitis, signe d'un resserrement dans le travail des policiers. Selon lui, les retards pourraient aussi être attribuables à une importante vague de contestation des amendes de 660$ distribuées lors du printemps érable. Plusieurs contestent en effet la validité du règlement municipal P-6 adopté lors du conflit étudiant, qui interdit le port du masque et oblige les manifestants à donner leur itinéraire à l'avance.

Hausse des amendes impayées

Par ailleurs, cet engorgement de la cour municipale de Montréal survient alors que Montréal constate une augmentation des amendes impayées depuis quelques années. En 2010, la métropole a ainsi perdu 6,6 millions en contraventions jamais payées. Depuis, les pertes ont doublé. Dans son budget 2014, la Ville évalue qu'elle devra faire une croix sur 13,1 millions en raison «des mauvaises créances liées aux contraventions découlant d'infractions à la circulation et à divers autres règlements municipaux».

Montréal n'est pas la seule à faire face à une augmentation des contestations; Toronto rapporte que 13% de ses contraventions de stationnement distribuées en 2012 ont été contestées.

Pour désengorger les tribunaux, la Ville reine a mis en place un système pour faciliter le traitement des contestations. Les citoyens peuvent faire annuler leur constat en remplissant simplement un formulaire en ligne, sans avoir à se rendre devant un juge. Le quart des contraventions émises en 2012 par la métropole canadienne ont ainsi été annulées (633 000 sur 2,8 millions).

Malgré nos demandes, Montréal n'a fourni aucune donnée sur le nombre de cas en attente à la cour municipale.

Plaintes à l'ombudsman concernant la cour municipale

2012 > 113

2011 > 105

2010 > 89

2009 > 80

2008 > 91

2007 > 54

Source: Rapports annuels Ombudsman de Montréal

Amendes impayées à Montréal

2014 > 13,1 millions de dollars

2013 > 11,1 millions de dollars

2012 > 8,1 millions de dollars

2011 > 8,1 millions de dollars

2010 > 6,6 millions de dollars

Source: Budgets de la Ville de Montréal