Arrêté dans le cadre de la vaste enquête sur les mauvais traitements infligés à des femmes autochtones par des policiers, l'ex-agent Jean-Luc Vollant avait lui-même témoigné lors de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. L'homme avait raconté avoir été agressé sexuellement par un prêtre de Sept-Îles alors qu'il était élève d'un pensionnat autochtone, a appris le Toronto Star.

ARRÊTÉ EN NOVEMBRE

Le 14 novembre dernier, Jean-Luc Vollant, ex-agent d'un corps de police amérindien, a été accusé de viol, d'attentat à la pudeur et d'agression sexuelle pour des événements qui se seraient produits entre 1980 et 1986. Les crimes reprochés à l'Innu de 65 ans auraient été commis il y a plus de 30 ans aux dépens d'une ou plusieurs femmes autochtones à Schefferville, ville située à 500 kilomètres au nord de Sept-Îles, près de la frontière du Labrador. L'ex-policier n'a pas encore plaidé coupable ou non coupable à ces accusations et doit se présenter en cour le 19 janvier prochain. Contacté par le Star, il n'a pas voulu commenter la situation « pour l'instant ».

SON ENFANCE BRISÉE

Durant six ans, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a recueilli des témoignages de « survivants » sur les mauvais traitements que les anciens élèves des pensionnats autochtones ont subis. Le 23 janvier 2013, les audiences publiques se déroulaient à Sept-Îles. Jean-Luc Vollant avait alors pris la parole.

« Une nuit, un prêtre m'a réveillé et m'a amené dans sa chambre avec lui... Il m'a tiré vers lui de manière à être capable de me serrer dans ses bras », avait témoigné, dans sa langue maternelle, l'homme qui avait 10 ans au moment de l'agression. M. Vollant avait ensuite expliqué avoir connu un long épisode d'amnésie traumatique. Son blocage psychologique a pris fin le jour où il a dû subir une colonoscopie pour des raisons de santé.

« Tout m'est revenu à la mémoire... comme si c'était un rêve... C'est là que j'ai revu le prêtre me faire du mal... le mettre en moi », avait-il raconté, sans donner plus de détails.

UNE VIE DE PEUR ET D'ANXIÉTÉ

L'homme avait confié à la Commission que ces événements avaient fait naître en lui une peur paralysante. Il avait confié que même lorsqu'il travaillait comme policier - un métier qu'il a pratiqué durant environ 10 ans -, il vivait dans la peur et l'anxiété.

« Chaque fois que le téléphone sonnait... je devenais super anxieux. [...] Le mot "peur" était constamment dans ma tête. Toujours, toujours, toujours, toujours. Tout au long de ma vie », avait-il raconté.

Celui qui se considère comme un « survivant » des pensionnats autochtones avouait dans son témoignage que l'éducation qu'il a transmise à ses cinq enfants avait été influencée par la violence psychologique dont il avait été victime ; un comportement qu'ils répètent à leur tour envers leurs propres enfants.

ENQUÊTE NATIONALE

Jean-Luc Vollant et un retraité de la Sûreté du Québec sont les seules personnes à avoir été arrêtées à ce jour à la suite de l'enquête sur les mauvais traitements infligés par des policiers à des femmes autochtones.

Le retraité de la Sûreté du Québec, Alain Juneau, a aussi été arrêté pour des crimes commis à Schefferville. L'homme de 56 ans a été accusé d'agression sexuelle et de voie de fait armée pour des gestes qui se seraient produits entre mai 1992 et 1994. Or, aucune accusation criminelle concernant les événements de Val-d'Or - qui ont pourtant révélé au grand jour le scandale national - n'a été déposée. Sur 37 dossiers soumis par le Service de police de la Ville de Montréal, 32 étaient relatifs à des plaintes déposées dans la région de Val-d'Or. La preuve n'était pas suffisante pour mener à des accusations, a soutenu le Directeur des poursuites criminelles et pénales, à la mi-novembre.

LE MYSTÈRE DU CAS DIFFÉRENT

Le cas de Jean-Luc Vollant, un Innu, contraste avec les autres allégations concernant les actions de policiers et d'ex-policiers contre les femmes des communautés autochtones. La racine du problème, dans la grande majorité des cas étudiés, était un racisme systémique envers les communautés autochtones au Québec, rapporte le Star en se basant sur le rapport d'un observateur neutre. Par ailleurs, des experts avancent que le cas de Vollant, dont les détails n'ont pas encore été dévoilés, soulève des questions sur le concept de traumatisme intergénérationnel - concept voulant que l'oppression historique et les comportements violents et destructeurs se transmettent d'une génération à l'autre.

- Avec la collaboration d'Audrey Ruel-Manseau, La Presse