Les Hells Angels se trouvent maintenant tout au haut de la pyramide du crime organisé au Québec.

Ils ont détrôné la mafia, qui occupait cette place depuis plus de 30 ans, alors que les policiers ont constaté ces derniers mois que, dans certaines circonstances du moins, des chefs de clan ont dû verser des ristournes de plusieurs milliers de dollars aux motards pour obtenir le droit d'exploiter leur commerce sur les territoires de ces derniers, ont révélé des sources policières à La Presse.

Ces mêmes sources n'observent pas le même mouvement au profit de la mafia qui n'a, pour le moment, pas de chefs qui se démarquent.

« On ne voit plus aucune cote qui monte aux chefs de la mafia. Tout ce que l'on voit, ce sont des cotes qui montent aux motards et qui proviennent même des Italiens. »

- Un informateur

Un tel portrait aurait été inimaginable des beaux jours de Vito Rizzuto, où le parrain, respecté dans tout le milieu criminel, régnait avec une main de fer tout au haut de la pyramide du crime organisé au Québec.

Un an jour pour jour après l'opération Magot-Mastiff de la Sûreté du Québec qui a décapité l'Alliance - mafia-motards-gangs de rue -, cette structure mise en place par Vito Rizzuto, d'abord pour protéger ses arrières lors de son retour à Montréal en 2012, puis pour reprendre son titre de parrain et garder le contrôle, n'existe plus.

La mort naturelle du parrain en décembre 2013 a torpillé le clan des Siciliens. La frappe Magot-Mastiff a été un autre coup de massue, tellement que la mafia affaiblie et désorganisée a cédé le pas aux Hells Angels, devenus l'organisation criminelle numéro un au Québec depuis la fin abrupte du procès SharQc et la libération de dizaines de membres en règle, nous a-t-on expliqué.

Selon nos sources, le crime organisé québécois est actuellement contrôlé par les Hells Angels, qui sont en train de mettre en place une « superstructure » guidée par « un comité de décideurs » que la police place tout au haut de la pyramide.

NOUVEAU-BRUNSWICK ET ONTARIO

D'après nos informations, ce comité de décideurs serait composé de Mario Brouillette - qui a pourtant annoncé officiellement son retrait des Hells Angels - , du membre en règle de Montréal Martin Robert et des frères Sylvain et François Vachon, du groupe des cinq irréductibles qui ont bénéficié d'un arrêt des procédures dans le procès SharQc, en octobre 2015.

Outre ce comité de décideurs, les Hells Angels ont un lieutenant dans chacune des régions du Québec et comptent sur plusieurs clubs-écoles, dont environ 160 membres, selon une évaluation de la police, auraient été observés agissant directement pour le « grand club ». Les Hells Angels ont aussi uni les efforts des 80 membres maintenant en liberté disséminés dans les trois sections actives, Montréal, Trois-Rivières et South.

« Même s'ils ont trois sections, ils ont décidé de travailler tous ensemble. Trois-Rivières, Montréal et South, ça pourrait être un seul chapitre. Les territoires sont tous mélangés. »

- Une source

Nos informateurs évaluent que grâce à cette superstructure, les Hells Angels québécois contrôlent au moins 80 % de tout le Québec, y compris des territoires de Montréal autrefois sous le contrôle de la mafia, ont étendu leurs tentacules au Nouveau-Brunswick et ont augmenté leur influence en Ontario.

Les responsables des Escouades régionales mixtes (ERM) de la Sûreté du Québec, qui ont le mandat de lutter contre les motards, ont refusé de commenter les informations obtenues par La Presse.

« Les Hells Angels sont un incontournable dans le paysage du crime organisé au Québec depuis près de 40 ans. La lutte contre le crime organisé demeure une priorité pour nous et nos partenaires. »

- Guy Lapointe, capitaine de la SQ

Pendant que les Hells Angels occupent le haut du pavé, la mafia montréalaise n'a plus vraiment de chef depuis l'opération Magot-Mastiff et les meurtres consécutifs de trois membres importants du clan Rizzuto en 2016, disent nos sources.

COLLABORATION AVEC LA MAFIA

Le règne des Siciliens semble terminé et la Table de direction de la mafia, mise sur pied après la mort naturelle de Vito Rizzuto en décembre 2013 et à laquelle les divers clans devaient verser leurs taxes, est dissoute.

Les policiers n'excluent pas toutefois que la mafia montréalaise puisse de nouveau avoir son parrain ou un chef un jour, et que des familles de Toronto et même d'Italie aient leur mot à dire dans le choix qui sera fait.

Malgré le bouleversement de l'organigramme du crime organisé au Québec, il n'y a pas d'animosité entre les motards et les mafiosi, même que des individus des deux groupes se côtoient régulièrement et travaillent ensemble, selon nos sources, rendant la ligne qui sépare Hells Angels et mafia de plus en plus diffuse.

***

Pour joindre Daniel Renaud, composez le  514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l'adresse postale de La Presse.