Des commerçants de la rue Sainte-Catherine s’impatientent après plus d’un mois de fermeture d’un tronçon de l’artère à cause d’un immeuble instable.

Le destin de l’édifice Jaeger, dans un état inquiétant depuis un incendie survenu en 2021, fait toujours l’objet de discussions entre la Ville de Montréal et le propriétaire des lieux.

La rue a été fermée d’urgence fin mars entre l’avenue McGill College et le boulevard Robert-Bourassa après la réception d’un rapport d’ingénieur inquiétant. Depuis, ses voisins pâtissent de la situation.

« On a perdu environ 90 % de nos clients. Avec la rue fermée, comment voulez-vous que les clients passent ? », a déploré Ghylam Azim, qui tient une petite boutique de souvenirs et un bureau de change juste à côté. « Ils nous avaient dit que le 1er mai, ils allaient enlever [les clôtures]. Mais c’est encore la même chose. »

Nabil Bassou, gérant du grand détaillant de chaussures B2, reçoit de nombreux commentaires de touristes qui sont surpris de voir l’état du quartier.

C’est une rue principale, Sainte-Catherine, et elle est dans un état pitoyable. Tout le monde dit : qu’est-ce qui se passe à Montréal ? Qu’est-ce qui se passe à Montréal ?

Nabil Bassou, gérant du grand détaillant de chaussures B2

« Le Grand Prix s’en vient », a-t-il ajouté, appelant de ses vœux une résolution de la situation.

Thérèse Taouil, qui vend des vêtements pour homme chez EM Emmanuel, espère aussi que la rue Sainte-Catherine sera rouverte à court terme. Elle évalue que le commerce perd actuellement un quart de son chiffre d’affaires. « Quand les voitures passent, ils voient [la vitrine], ils stationnent et ils viennent », a-t-elle dit.

« Trouver une façon de les aider »

Fin avril, la Ville de Montréal espérait pouvoir sauver l’édifice Jaeger, alors que le représentant du propriétaire des lieux affirmait avoir peu d’espoir.

« Notre premier objectif, c’est d’assurer la sécurité de la population, ça, c’est sine qua non », affirmait alors Robert Beaudry, l’élu responsable de l’urbanisme au sein de l’administration Plante. « Et l’objectif en parallèle, c’est de travailler avec le [propriétaire] pour qu’il y ait des interventions qui soient faites sur le bâtiment. » Le bâtiment, qui date des années 1880, est surtout remarquable en raison de sa façade néogothique construite trois décennies plus tard.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Le destin de l’édifice Jaeger, dans un état inquiétant depuis un incendie survenu en 2021, fait toujours l’objet de discussions entre la Ville de Montréal et le propriétaire des lieux.

« L’immeuble est trop dangereux pour effectuer des travaux, ni à l’intérieur ni à l’extérieur à proximité », a expliqué André Jude, qui représente les intérêts de l’entreprise new-yorkaise qui possède le bâtiment.

Lundi, la Ville de Montréal n’a pas commenté la situation.

Le chef de l’opposition à l’hôtel de ville, Aref Salem, a évoqué la nécessité d’indemniser les commerçants touchés. « Il faut amener toutes les ressources nécessaires ici au centre-ville », a-t-il dit, alors qu’il tenait une conférence de presse juste à côté. « La Ville doit donner des réponses claires. […] On aimerait au moins que les marchands sachent ce qui en est et qu’ils sachent combien de temps ça va être fermé. Et si c’est à long terme, on devrait trouver une façon de les aider. »

Le conseiller municipal du secteur, Serge Sasseville, a indiqué qu’il était lui aussi solidaire des commerçants.

« C’est au cœur de l’artère commerciale », a-t-il dit. M. Sasseville dit aborder ce problème sous deux angles : comme « l’amoureux du patrimoine » qu’il est et aussi comme « conseiller municipal qui veut que la rue Sainte-Catherine soit rouverte le plus tôt possible, parce [qu’il peut] comprendre que les commerçants soient frustrés ».

L’histoire jusqu’ici

1880 : Année approximative de construction de l’édifice Jaeger, rue Sainte-Catherine. La façade de terracotta vitrifiée sera érigée trois décennies plus tard.
2021 : Un incendie ravage le Club SuperSexe et affecte durement ses voisins, dont l’édifice Jaeger.
2023 : Fin mars, un rapport d’ingénieur commandé par le propriétaire de l’édifice déclenche une fermeture d’urgence de la rue Sainte-Catherine, de peur que la façade ne s’effondre sur la chaussée.