La dernière feuille morte sera-t-elle ramassée des rues de la métropole avant que tombe le premier flocon de neige ? C’est l’objectif de la Ville de Montréal, qui parie sur un raclage automnal efficace pour lutter contre les futurs trottoirs glacés.

L’espoir : libérer les bouches d’égout pour éviter la rétention d’eau lors des premiers cycles de gel et de dégel de l’hiver. Côté glace, c’est à ce moment-là que se joue le reste de la saison froide.

« Aux premières neiges, les températures sont souvent en dents de scie. Il y a un peu de neige », souligne Philippe Sabourin, porte-parole de la Ville de Montréal. « Quand l’eau reste là et que la nuit, ça regèle, ça fait des bordures qui sont glacées. »

Parce que des feuilles mortes, il en tombe par millions chaque automne sur la métropole. « On parle d’environ 15 000 tonnes de feuilles » ramassées dans les rues, continue-t-il. L’équivalent du poids de 80 Boeing 747 ou de 1,5 fois la tour Eiffel.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

L’opération de ramassage de feuilles a comme objectif d’être complétée avant le premier flocon de neige.

Devant lui, la contremaître Véronique Pinel coordonne le travail des cols bleus de l’arrondissement de Saint-Laurent, rue Beaudet. Les travailleurs forment des tas de feuilles aux coins des rues, avant de les ramasser au tracteur. Un balai mécanique s’occupe de la finition.

« On travaille toujours à l’opération [feuilles] les deux premières semaines de novembre », explique Mme Pinel, entre deux interventions dans son walkie-talkie. Sa crainte : « les surprises, quand il neige rapidement ». Ce sont les mêmes cols bleus qui doivent alors être réaffectés.

Les citoyens et les entrepreneurs qui poussent leurs feuilles dans la rue après le passage de l’opération de ramassage posent un vrai problème, ont déploré M. Sabourin et Mme Pinel. « On tente de les sensibiliser », a dit cette dernière.

La Ville les invite à mettre leurs feuilles dans des sacs de papier en vue de la collecte des résidus verts ou encore à aller les porter dans les dépôts municipaux prévus à cet effet.

Quelque 15 000 autres tonnes de feuilles sont d’ailleurs ramassées de cette façon.

Chaque arrondissement a sa méthode pour ramasser les feuilles. Au centre-ville, par exemple, ce sont essentiellement des balais mécaniques et des aspirateurs de rue qui ramassent les feuilles. Des outils moins invasifs, mais aussi moins efficaces que les tracteurs.

Composter à la tonne

Toutes les feuilles mortes ramassées à Montréal — tant dans la rue qu’à travers la collecte de résidus verts — aboutissent au Complexe environnemental Saint-Michel (CESM).

Au fond de l’ancienne carrière Miron, un immense terrain de plusieurs centaines de mètres de long est réservé au compostage d’une partie des résidus verts de Montréal — de 12 000 à 15 000 tonnes par année. Une autre partie de la récolte part vers des installations de banlieue.

Au CESM, c’est le chef de section Luc Bornais et son équipe qui sont chargés de veiller sur les milliers de tonnes de futur compost. Ces jours-ci, un ballet incessant de camions arrive de partout dans l’île pour déverser leurs cargaisons de résidus verts l’un à la suite de l’autre, formant d’immenses tas allongés. On les appelle des « andains ». Pour de la matière organique en décomposition, leur odeur est étonnamment agréable.

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Ces jours-ci, un ballet incessant de camions arrive de partout dans l’île pour déverser leurs cargaisons de résidus verts l’un à la suite de l’autre, formant d’immenses tas allongés.

« Pour nous, c’est la grosse saison » en ce moment, explique M. Bornais, vêtu d’un dossard orangé et d’un casque de sécurité. « Quand on peut ramasser [des feuilles] jusqu’en fin de saison, l’espace qu’on a est complètement utilisé. » À partir du 15 octobre et jusqu’aux premières neiges, les feuilles occupent de six à huit employés à temps plein.

L’un d’eux, Sylvain Blanchette, occupe une fonction très rare : retourneur d’andain. C’est lui qui conduit l’impressionnante et curieuse machine qui passe à travers les andains plusieurs fois par année afin de les retourner. L’objectif est de permettre à l’oxygène d’atteindre le cœur du tas et ainsi obtenir une décomposition saine, plutôt que des moisissures.

  • Le retourneur d’andain du CESM

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    Le retourneur d’andain du CESM

  • Le retourneur d’andain du CESM

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    Le retourneur d’andain du CESM

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M. Blanchette et ses collègues retournent régulièrement jusqu’à ce que l’hiver prenne définitivement sa place. À partir de là, vaut mieux laisser les feuilles à elles-mêmes afin de préserver la chaleur produite par la décomposition et qui tue les bactéries nocives. « Au printemps — fin mars, début avril —, on va recommencer à retourner les andains jusqu’au mois de juin ou juillet », a expliqué M. Bornais.

Dans les andains, on voit des sacs de papier utilisés par les citoyens pour mettre leurs résidus verts en bordure de rue. « Le papier se dégrade au même rythme que les feuilles. Quand le citoyen fait ça, c’est le bonheur total ! », s’enthousiasme Philippe Sabourin, porte-parole de la Ville. Quelques sacs à ordures en plastique et d’autres déchets maculent aussi les feuilles. Ils seront éliminés l’été prochain, quand le compost tout neuf sera tamisé pour en éliminer les impuretés. Les branches trop grosses aussi.

Une version précédente de ce texte orthographiait de façon erronée le patronyme de l’opérateur Sylvain Blanchette.