Alors que s’amorce la période de l’année la plus dangereuse pour les usagers de la route les plus vulnérables, un règlement « méconnu » visant à assurer leur sécurité aux intersections demeure peu appliqué à Montréal.

L’an dernier, l’Agence de mobilité durable a remis en moyenne 38 constats d’infraction par jour pour l’ensemble du territoire de Montréal aux automobilistes qui stationnent leur véhicule à moins de 5 mètres d’une intersection, ce qu’interdit le Code de la sécurité routière.

« Un véhicule stationné à une intersection nuit grandement à la visibilité, donc c’est un enjeu vraiment important, ça peut mettre des vies en jeu », illustre Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec.

Selon l’article 386.4 du Code de la sécurité routière du Québec, il est interdit d’immobiliser ou de stationner un véhicule automobile « à moins de 5 mètres d’une intersection, d’un passage pour piétons, ou encore devant une piste cyclable identifiée par une signalisation appropriée ».

Mme Cabana-Degani note qu’un effort de sensibilisation est nécessaire puisque la forte présence de véhicules stationnés aux intersections à Montréal montre que le règlement est encore méconnu.

« Malheureusement, l’Agence de mobilité durable n’a pas le droit de glisser un feuillet d’information sous l’essuie-glace des véhicules, elle ne peut que donner un constat d’infraction, dit-elle. Ça aurait été un outil intéressant pour informer les gens, mais elle ne peut pas le faire. »

Magali Bebronne, directrice des programmes de Vélo Québec, note que les véhicules stationnés très près d’une intersection bloquent la vue de tous les usagers de la route.

C’est un principe de base en sécurité routière, il faut être capable de se voir les uns les autres.

Magali Bebronne, directrice des programmes de Vélo Québec

Le problème du stationnement aux intersections n’est pas seulement lié à la mauvaise visibilité : au moment de partir, le conducteur devra souvent faire marche arrière avec son véhicule dans la traverse-piétons, créant un danger supplémentaire pour une personne qui tenterait de traverser la rue.

Mme Bebronne note que l’interdiction est valide même si le conducteur reste dans sa voiture. « Même si c’est pour deux minutes, ça nuit à la sécurité des autres usagers de la route, dont les usagers les plus vulnérables », dit-elle.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Saillie de trottoir sur l’avenue Laurier empêchant le stationnement des véhicules près de l’intersection

De nombreuses intersections ont été réaménagées au cours des dernières années avec des saillies de trottoir, une intervention qui bloque de facto le stationnement à moins de 5 mètres d’une intersection.

Selon la Ville de Montréal, 17 piétons meurent chaque année sur les routes de la métropole. La moitié des piétons qui meurent ont 65 ans et plus, une proportion trois fois plus grande que le poids démographique des aînés à Montréal, qui est de 17 %. Les intersections sont les endroits où les décès sont les plus fréquents.

Aînés surreprésentés parmi les victimes

En 2020, dans sa première année d’activité, l’Agence de mobilité durable a remis 8426 constats d’infraction à ce règlement, un nombre qui est passé à 14 014 constats en 2021. En date du 15 septembre 2022, 12 737 constats avaient été remis.

Alicia Lymburner, porte-parole de l’Agence de mobilité durable, note que les agents de stationnement incluent cette réglementation dans leur surveillance.

« Ils s’assurent du respect de celle-ci avec la même rigueur que les autres infractions, surtout lorsque nous constatons que le véhicule représente un danger pour les autres », dit-elle, ajoutant que les citoyens qui remarqueraient un non-respect de cette réglementation peuvent signaler un véhicule en infraction à la ligne d’intervention non urgente au 514 280-2222, poste 5.

Hugo Bourgoin, relationniste média à la Ville de Montréal, signale que Montréal a à cœur la sécurité de tous les usagers, et plus particulièrement des usagers les plus vulnérables.

« Cette règle est méconnue de plusieurs automobilistes et fait partie des principaux enjeux de sécurité routière au plan d’action Vision Zéro 2022-2024 de la Ville de Montréal, dit-il. Le plan d’action prévoit la mise en place d’une campagne de sensibilisation sur l’interdiction de stationner à moins de cinq mètres d’une intersection. La campagne aura pour but de conscientiser les automobilistes aux risques de collision dus à l’obstruction visuelle aux intersections. »

Selon la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), c’est à l’automne que se produisent 33 % des collisions entre le conducteur d’un véhicule automobile et un piéton, de loin la période la plus dangereuse de l’année. Cela s’explique notamment par la noirceur qui arrive beaucoup plus tôt en fin de journée.

En vertu du plan d’action Vision Zéro, la Ville de Montréal et plusieurs partenaires, dont l’Agence de mobilité durable, se sont engagés à réduire à zéro le nombre de morts ou blessés graves sur le système routier d’ici 2040.

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    Coût du constat d’infraction lié au non-respect de l’interdiction de stationner à moins de 5 mètres d’une intersection ou d’une traverse-piétons à Montréal
    Source : Agence de mobilité durable