Le défilé de Fierté Montréal aurait dû avoir lieu l’été dernier, conclut un nouveau rapport d’enquête indépendant, qui explique son annulation surprise par la fatigue des employés, la surcharge de travail, la pénurie de main-d’œuvre et des erreurs de communication. On recommande d’ailleurs à l’organisme de se doter d’un « plan de mesures d’urgence » pour éviter que la situation ne se reproduise.

« C’est clair que ce défilé n’aurait pas dû être annulé », explique d’emblée à La Presse Philippe Schnobb, ex-président du conseil d’administration de la Société de transport de Montréal (STM), qui était chargé de mener l’enquête indépendante. « C’est un évènement qui aurait très bien pu se contrôler. On aurait pu régler la situation le matin même, si on avait pu s’asseoir et réfléchir à tête reposée », lance-t-il.

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Philippe Schnobb, responsable de l’enquête indépendante sur l’annulation du défilé de Fierté Montréal

L’annulation du défilé, en août, avait suscité de nombreuses réactions négatives à Montréal. D’anciens membres de la direction et de la communauté ont appelé à revoir l’organisation de cet évènement phare. À la dernière minute, des marches spontanées s’étaient organisées le jour du défilé. « Il y a des gens qui dormaient sur la switch. […] On doit avoir plus de réponses », avait notamment réclamé Michel Dorion, personnalité bien connue du Village gai et ex-responsable du défilé de Fierté Montréal, en parlant d’une « faute grave ».

M. Schnobb attribue la situation à plusieurs « erreurs de communication » commises le jour même, survenues en raison d’une surcharge de travail et de la pénurie de personnel « qui a affecté tous les grands festivals au Canada cet été ».

Essentiellement, « si on avait recruté 96 agents d’accueil, il n’aurait manqué que 15 personnes pour assurer la sécurité », affirme-t-il. La confusion sur l’embauche – Fierté Montréal a en fait oublié d’embaucher ces agents – vient probablement, selon lui, du fait que « les agents peuvent avoir deux fonctions qui ont le même titre, certains étant payés, et d’autres bénévoles, ce qui semble avoir créé beaucoup de confusion ».

Pas de responsable direct, mais un enjeu de gouvernance

Qui est donc l’ultime responsable ? « Le mystère reste entier », avoue l’enquêteur indépendant. « Qui a éteint la lumière ? On ne le sait pas. La lumière a été éteinte, mais ça demeure un mystère. Je n’arrive pas à d’autres conclusions que c’est un malentendu, ce qui est très malheureux. Mais personne n’a voulu que cet oubli tombe dans une craque de manière volontaire », note Philippe Schnobb, évoquant de possibles « fuites » qui n’auraient pas dû arriver.

Quand le directeur général [Simon Gamache] est arrivé au bureau un peu avant 9 h, ce matin-là, il y avait déjà des alertes média qui disaient que c’était annulé, et la circulation avait déjà repris. Lui n’avait encore même pas pris de décision.

Philippe Schnobb, responsable de l’enquête indépendante sur l’annulation du défilé de Fierté Montréal

Dans son rapport, M. Schnobb recommande de « doter l’organisation d’un plan de mesures d’urgence pour toutes les activités liées au défilé », et d’organiser « une activité de formation pour assurer la compréhension du plan ». Il suggère aussi une formation en « gestion de crise » pour les employés, en plus de « prévoir désormais que tout le personnel requis pour encadrer la sécurité du défilé soit rémunéré ».

« Professionnaliser » Fierté Montréal

Côté gouvernance, Fierté Montréal aura aussi du chemin à faire pour se « professionnaliser », avoue l’enquêteur. « Leur structure de gouvernance est assez particulière ; on parle d’une assemblée générale qui est constituée du C.A. et qui prend toutes les décisions », résume-t-il.

Ils auraient intérêt à ouvrir un peu la gouvernance. Et ça, c’est entre leurs mains. Je parle de refondation, parce que pour moi, c’est la bonne chose à faire pour regagner la confiance de la communauté et des partenaires.

Philippe Schnobb, responsable de l’enquête indépendante sur l’annulation du défilé de Fierté Montréal

Dans son rapport, Philippe Schnobb recommande d’ailleurs l’embauche de consultants en gouvernance. Il reconnaît toutefois que le départ de deux membres fondateurs, dont l’ancien président Éric Pineault qui avait été écarté en 2020 après des allégations d’inconduite sexuelle, « a créé une instabilité que le conseil d’administration et la direction générale actuelle tentent de juguler ».

« Il me semble important de mettre fin aux références aux anciens et aux nouveaux. J’ai été impressionné par la vivacité d’esprit des personnes que j’ai rencontrées au cours des dernières semaines. L’équipe devrait s’unir en relevant ensemble les défis qui se présentent à eux plutôt que ressasser le passé », conclut-il.

Dans une déclaration, la mairesse Valérie Plante s’est dite mercredi persuadée que l’enquête « contribuera à rétablir la confiance du public » envers Fierté Montréal. Le directeur général Simon Gamache, lui, s’est déterminé à « rebâtir et solidifier les liens de confiance avec nos communautés ». Le président du conseil d’administration, Moe Hamandi, a d’ailleurs confirmé mercredi que « plusieurs chantiers » ont déjà été amorcés à l’interne, suivant les recommandations.