L’entreprise Sanimax, qui « recycle » les carcasses qui sortent des abattoirs de la province, pourra continuer à rejeter d’importantes quantités d’ammoniac dans les égouts de l’est de Montréal jusqu’en mai 2024, a tranché la justice.

Le refus de la Ville de Montréal d’accorder une dérogation environnementale à l’équarrisseur était mal justifié et doit donc être annulé, selon la Cour supérieure.

Comme le tribunal considère qu’un nouveau refus – bien justifié cette fois – est inévitable, il donne une vingtaine de mois à l’entreprise pour se plier aux normes municipales sur la contamination de l’eau.

« Des correctifs doivent être mis en place à la source », a écrit le juge Frédéric Pérodeau, en donnant partiellement raison aux deux parties. L’ammoniac libéré dans les processus industriels de Sanimax « se retrouve directement dans le milieu récepteur, à savoir le fleuve Saint-Laurent », note-t-il.

Sanimax est au cœur d’un conflit avec la Ville et des citoyens de Rivière-des-Prairies depuis plusieurs années. Ces derniers se plaignent des mauvaises odeurs, des déversements occasionnels de morceaux de carcasses dans leur quartier et des rejets dans l’environnement. Sanimax fait valoir qu’elle joue un rôle essentiel dans la chaîne agroalimentaire et qu’elle réutilise des morceaux de carcasse qui finiraient autrement au fond d’un dépotoir.

Décision mal justifiée

L’un des rejets de l’usine de Rivière-des-Prairies est une forme d’ammoniac, produite par la décomposition des millions de carcasses animales traitées par Sanimax chaque année.

Les rejets d’ammoniac de Sanimax dépassent « significativement » les normes fixées par règlement municipal en 2008. Après quelques années de tolérance, la Ville durcit le ton en 2015. La même année, Sanimax lui soumet une demande de dérogation, afin de pouvoir continuer à dépasser la norme de rejet en toute légalité.

« À ce jour, la Ville de Montréal a adopté comme position de ne consentir aucune entente de dérogation à la norme d’azote ammoniacal », lui répondent simplement les fonctionnaires municipaux en refusant la demande.

Or, un décideur public ne peut pas rendre des décisions importantes en omettant totalement de les justifier, a souligné le juge Pérodeau. Le refus de la Ville « souffre de lacunes graves », a-t-il écrit, avant de l’annuler. D’autant plus que Sanimax a bien collaboré avec la Ville et tente de trouver des solutions.

En contrepartie, le magistrat a accordé à la Ville une demande d’injonction forçant Sanimax à arrêter de dépasser les normes de rejet d’ammoniac dans l’eau. Le juge cite un expert affirmant que ce rejet « équivaut à celui d’une ville de 120 000 habitants ». « Les déversements de Sanimax ont nécessairement des répercussions sur le milieu récepteur et l’environnement », note-t-il, puisque la station d’épuration est incapable de les traiter.

Une application immédiate de cette injonction aurait forcé une fermeture rapide de l’usine, ce qui aurait complètement désorganisé la filière agroalimentaire québécoise, écrit le juge.

Sanimax s’est réjouie de la décision : « Ce nouveau jugement confirme que la Ville de Montréal a encore adopté une attitude contre-productive à notre égard. Bien conscient de nos responsabilités dans la chaîne agroalimentaire, le Tribunal nous confirme que nous avons agi de manière diligente en déployant de nombreux efforts pour parvenir à une solution », a affirmé l’entreprise dans une déclaration.

La Ville n’a pas voulu commenter la décision de la Cour supérieure.