Les chantiers des deux futures usines de traitement du compost de Montréal, d’une valeur totale de 340 millions, sont complètement arrêtés depuis près de deux mois en raison d’un conflit contractuel, a appris La Presse.

La Ville de Montréal craint de nouveaux retards dans la mise en marche de ses installations. Elle menace de traîner en justice la multinationale Veolia, qui devait les construire et les exploiter.

Selon nos informations, les ouvriers et la machinerie de la firme de construction EBC ont quitté les deux chantiers (l’un à Montréal-Est, l’autre dans l’arrondissement de Saint-Laurent) le 15 juillet pour ne plus y revenir. EBC était chargée par Veolia de construire les deux usines.

En plus des impacts de la COVID-19, le chantier avait déjà été paralysé pendant deux mois à l’hiver 2021 en raison de conflits entre entreprises.

Montréal fait actuellement transporter le contenu de ses bacs bruns, faute de débouchés à proximité de la métropole. Elle espérait pouvoir commencer à traiter elle-même une partie du compost dès 2021, une échéance repoussée à novembre 2022 et qui devra probablement être revue.

« On prend en otage les Montréalais »

Selon deux sources au cabinet de la mairesse de Montréal, la mésentente à la source de cette désertion touche des demandes de paiement supplémentaires.

« La situation est complètement inacceptable », a affirmé une personne près de Valérie Plante, qui évoque des demandes pécuniaires qui n’étaient pas prévues au contrat, ainsi qu’un conflit entre Veolia et EBC.

On prend en otage les Montréalais et la Ville pour une volonté de faire plus de profits. […] On a une multinationale qui n’est pas capable de s’entendre avec son sous-traitant.

Une personne près de Valérie Plante

En plus d’une mise en demeure envoyée mi-août, la Ville de Montréal s’est tournée vers l’assureur qui avait garanti l’achèvement des travaux au nom de Veolia, sa caution. La Ville exige que les travaux reprennent immédiatement et se concluent le plus promptement possible.

Contactée par La Presse, Veolia s’est faite avare de commentaires. « Compte tenu des discussions commercialement sensibles présentement en cours entre la Ville et les entrepreneurs, il n’est pas approprié pour nous de commenter le dossier en détail pour le moment. », a indiqué par courriel Matt Burgard, chargé des communications pour l’Amérique du Nord. « Nous reconnaissons l’importance de ces projets pour la communauté et continuerons à travailler vers une résolution équitable. »

EBC Construction n’a pas voulu commenter le dossier. Johanne Laurin, coordonnatrice aux communications, a renvoyé La Presse vers la Ville de Montréal.

Retards et factures salées

Ces deux projets de centre de traitement des matières organiques font couler de l’encre depuis des années.

Le premier, situé sur le boulevard Henri-Bourassa Ouest, près de l’A13, coûtera 175 millions à la métropole, incluant son exploitation sur cinq ans. Selon nos informations, la Ville estime que le chantier est actuellement complété à 90 %. L’usine devrait pouvoir traiter 50 000 tonnes de résidus de table par année pour en faire du compost utilisable en agriculture. La Ville espérait pouvoir l’inaugurer en novembre.

Le second, un centre de biométhanisation, sera situé sur le site de l’ancienne carrière Demix, à l’intersection de l’avenue Broadway Nord et de l’autoroute 40, à Montréal-Est. Sa construction et son exploitation pendant les cinq premières années de sa vie coûteront 167 millions à Montréal. L’installation devrait avaler 60 000 tonnes de compost par année.

Les usines coûteront toutes deux sensiblement plus cher que prévu au départ et seront livrées avec des mois — voire quelques années — de retard.

Les deux contrats de construction et d’exploitation avaient été accordés en 2019 à Suez, une entreprise française dont la filiale nord-américaine a été rachetée l’an dernier par sa compatriote Veolia. C’est ce qui explique que la Ville de Montréal doive maintenant traiter avec Veolia.

En 2021, la vérificatrice générale de Montréal évoquait un « constat global de dépassement de coûts et de non-respect du calendrier » dans le dossier des centres de traitement des matières organiques (CTMO). « Le projet de construction des CTMO ne s’est pas effectué en suivant un processus suffisamment rigoureux auquel on devrait s’attendre pour un projet d’une telle complexité et envergure », écrivait-elle.