Des résidants de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve dénoncent le fait qu’une portion importante du parc Morgan, située tout près d’où le REM de l’Est pourrait être implanté, n’est pas classée patrimoniale malgré un récent avis gouvernemental dans le secteur. Ils craignent que la situation « laisse complètement le champ libre » à CDPQ Infra.

« On est vraiment déçus, mais en même temps, on n’est pas surpris », lâche la porte-parole du Regroupement des riverains de la rue Notre-Dame dans Hochelaga-Maisonneuve, Patricia Clermont.

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Patricia Clermont, porte-parole du Regroupement des riverains de la rue Notre-Dame dans Hochelaga-Maisonneuve

Son groupe de citoyens dénonce qu’une portion du parc Morgan, située au sud de la piste cyclable et collée à la rue Notre-Dame, n’a finalement pas été incluse dans le nouveau site patrimonial de l’Ancienne-Cité-de-Maisonneuve, annoncé samedi par la ministre de la Culture, Nathalie Roy. Le lot en question, qui appartient au ministère des Transports du Québec (MTQ), est situé dans le secteur où doit passer le Réseau express métropolitain (REM) de l’Est.

Il figurait dans l’avis d’intention déposé en mars 2021, que La Presse a pu consulter, mais il n’a finalement pas été classé patrimonial et ne bénéficie donc d’aucune protection pour la suite, déplore le Regroupement. « Plusieurs personnes ont actuellement l’impression de s’être fait avoir. On voulait tous que ce lieu soit classé patrimonial. Et là, ce ne l’est soudainement plus. On se demande tous ce qui s’est passé », glisse à ce sujet Mme Clermont, en réclamant des explications.

Série d’inquiétudes

Chez Héritage Montréal, le directeur des politiques, Dinu Bumbaru, confirme que cette réduction de périmètre « ne reflète pas la réalité historique du parc » tel qu’il avait été créé au siècle dernier. « Amputer la partie du parc que cible le projet du REM ne s’explique pas au plan patrimonial. Ça rappelle comment les gouvernements précédents ont agi, c’est-à-dire en mettant leurs intérêts politiques devant ceux du patrimoine, dit-il. De nouveau, on voit que le Québec a un urgent besoin d’un protecteur du patrimoine. »

Le maire de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Pierre Lessard-Blais, se dit aussi « extrêmement préoccupé » par le dossier. « On présume fortement que le retrait de ce lot-là est en lien avec le REM. Je ne vois pas ce que ça pourrait être d’autre », martèle l’élu, qui dit comprendre et soutenir les inquiétudes des résidants.

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Pierre Lessard-Blais

Il faut comprendre que tout ce secteur-là est déjà très pauvre en espaces verts. L’extension sud du parc, c’est aussi un mur antibruit avec la rue Notre-Dame et toutes les nuisances sonores qu’on y retrouve.

Pierre Lessard-Blais, maire de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

« Pendant ce temps, à l’arrondissement, on n’a toujours aucun plan de la Caisse concernant les impacts, les nuisances. On est encore dans le flou », soutient l’élu.

« Protéger la qualité de vie des citoyens, c’est aussi important que de protéger le patrimoine », ajoute-t-il, appelant Québec et la Caisse de dépôt à étudier « d’autres avenues » que l’aérien, dont une partie du tracé en souterrain ou au sud de Notre-Dame.

Structure éloignée « le plus possible »

Jointe par La Presse, la ministre déléguée aux Transports et responsable de la Métropole, Chantal Rouleau, se dit « bien au fait que ce parc est d’une importance particulière pour les résidants ».

Mme Rouleau promet que la structure du REM sera placée de façon à être éloignée « le plus possible » des aménagements du parc Morgan.

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Chantal Rouleau

On l’a vu avec les images dévoilées : la Caisse a un réel souci de bien intégrer les structures aériennes. Notre gouvernement, en partenariat avec la Ville, sera présent financièrement, pour avoir des aménagements réussis partout le long du tracé.

Chantal Rouleau, ministre déléguée aux Transports et responsable de la Métropole

En coulisses, Québec justifie sa décision par le fait qu’en 2015, le parc Morgan avait été réaménagé et agrandi par la Ville de Montréal et que, depuis, des aires de jeux se sont ajoutées et ont empiété sur une partie du lot appartenant au MTQ. Ce sont ces « empiétements » qui ne peuvent faire partie des aménagements historiques du parc Morgan, affirme une source gouvernementale.

Début mars, l’organisation avait dévoilé sa version « grandement améliorée » du REM de l’Est. Une image alors diffusée montre la structure en béton en bordure du parc Morgan, que l’organisation estime pouvoir préserver malgré tout. CDPQ Infra y voit une « opportunité de bonifier les aménagements du parc par l’ajout de gradins avec une vue vers le parc ». L’idée d’un écran, afin de diminuer le bruit provenant de Notre-Dame, a aussi été évoquée, tout comme une portée maximale entre les piliers, pour « mettre en valeur l’axe patrimonial du site », et la plantation d’arbres, « pour filtrer les vues vers la structure ».