Dur matin pour les personnes âgées de la résidence privée Mont-Carmel, située au centre-ville de Montréal.

Comme des milliers d’autres personnes âgées au Québec depuis sept ans, elles ont reçu lundi un avis d’éviction les informant que leur complexe de 221 logements sera converti en août en un édifice de logements standard, sans infirmière ni surveillance. Elles pourront rester sur place, mais leurs loyers seront majorés et ils n’auront plus droit aux services adaptés à leur âge.

« Malgré les termes légaux contenus dans l’avis d’éviction joint à la présente, nous tenons à vous assurer que nous souhaiterions vous garder à titre de locataires du Mont-Carmel après la transition et que nous serions très heureux de signer avec vous un nouveau bail comme simple locataire, au loyer actuel majoré de 3 % […] », peut-on lire dans la lettre envoyée aux résidants.

Normand Breault dit que, dans la mesure où son loyer actuel incluait un service d’infirmières 24 heures sur 24, une surveillance particulière, des réceptionnistes, etc., la hausse réelle est bien supérieure à 3 %. Avec d’autres locataires, il multipliait lundi les appels pour voir s’il y a possibilité de recours ou non. « Je suis préoccupé pour les personnes âgées assez nombreuses dans la résidence qui ne sont pas en mesure de se défendre de quelque façon que ce soit. Nous pensons créer un comité », dit-il.

Suzanne Saint-Jacques, âgée de 88 ans, dit se plaire au centre-ville. Elle explique n’avoir pas plus envie de déménager que de rester avec cette administration, le groupe LRM, qui a acquis l’édifice en décembre et qui lui a envoyé cet avis d’éviction sans explication préalable, note-t-elle.

Aussi en forme soit-elle, les boutons d’urgence et la surveillance quotidienne à chaque appartement pour s’assurer de la bonne santé de chaque résidant lui apportaient une sécurité.

Joint au téléphone, le président du groupe LRM, Robert Kunstlinger, n’a pas voulu accorder d’entrevue, nous dirigeant plutôt vers un expert en relations publiques, qui lui non plus n’a pas voulu répondre aux questions de La Presse.

Dans la lettre, il est précisé que les personnes qui décideront de quitter l’endroit recevront « la valeur de trois mois de loyer de base, tel que prescrit par le Tribunal administratif du logement » et que les résidants seront accompagnés dans le processus par le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.

Le groupe LRM est aussi propriétaire du Château Royal (à Dollard-des-Ormeaux), du Domaine des Forges (Laval), de la Résidence Laval et de la résidence Jardin Botanique, à Montréal. Le groupe avait acheté la résidence Mont-Carmel en décembre.

Des fermetures nombreuses

Ces dernières années, les résidences privées pour aînés (RPA) ferment par dizaines.

Entre 2015 et 2019, soit avant la pandémie, 430 résidences pour personnes âgées avaient fermé leurs portes, une hémorragie notamment causée par la pénurie de main-d’œuvre de même que par l’obligation d’installer des gicleurs (consécutive au tragique incendie de la résidence de L’Isle-Verte, en 2014).

La pandémie a donné un autre gros coup aux résidences pour personnes âgées.

Au cabinet de Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, on indique avoir concentré les programmes d’aide aux petites résidences. Environ 74 % des RPA de la province ont moins de 100 unités, précise-t-on. « Notre gouvernement mise sur elles puisqu’elles permettent de maintenir les aînés dans leur communauté. C’est pourquoi la majorité de nos programmes de soutien depuis le début de la pandémie sont modulés de manière à être plus généreux envers elles et ne s’appliquent pas aux grandes RPA. »

Le cabinet note qu’« il est vrai que certaines petites RPA ont fermé récemment, mais qu’au total, le nombre d’unités locatives en RPA croît d’année en année au Québec ».

Dans le document Bien comprendre le bail et sa portée – Guide pratique à l’intention des exploitants de résidences privées pour aînés, le ministère de la Santé et des Services sociaux indique qu’un propriétaire « a le droit de ne pas renouveler le bail s’il désire changer l’affectation du logement, le subdiviser ou encore l’agrandir substantiellement. Il doit alors transmettre un avis au locataire au moins 6 mois avant l’expiration du bail (un mois avant, si le bail est d’une durée de 6 mois ou moins). Le locataire a ensuite un mois pour s’y opposer en s’adressant au Tribunal administratif du logement ».

En savoir plus
  • 1602
    Nombre de résidences privées pour aînés au Québec
    SOURCE : MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX