Les véhicules électriques ne représenteront guère plus du tiers des ventes de véhicules neufs dans la grande région de Montréal en 2030 sans initiatives supplémentaires pour favoriser l’électrification des transports, prévient un rapport obtenu par La Presse.

Cela signifie donc que cinq ans avant l’interdiction de la vente de véhicules légers à essence neufs annoncée par Québec et Ottawa pour 2035, ces véhicules constitueraient encore la forte majorité des ventes.

Avec les engagements provinciaux et fédéraux actuels, les véhicules électriques représenteront alors 35 % des ventes, montre la « modélisation de l’évolution de l’adoption des véhicules électriques légers, moyens et lourds d’ici 2030 dans la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) », réalisée en mai 2021 par la firme Dunsky pour la Ville de Montréal.

En revanche, les ventes de véhicules électriques pourraient atteindre 58 % avec des engagements améliorés et un contexte mondial plus favorable, voire 70 % en ajoutant des politiques publiques municipales, calcule la firme spécialisée dans la mobilité durable, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.

Une augmentation du nombre de bornes de recharge rapide supérieure à ce qui est actuellement prévu est un exemple d’engagement amélioré, illustre Dunsky, tout comme le remplacement graduel des rabais à l’achat d’un véhicule électrique par un « système bonus-malus ».

Ce mécanisme, prôné notamment par l’organisation Équiterre, permettrait d’autofinancer les subventions à l’achat d’un véhicule électrique par une taxe sur les véhicules à moteur à combustion, graduée en fonction de leur poids et de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES), explique l’analyste politique en mobilité durable de l’organisme, Andréanne Brazeau.

PHOTO FOURNIE ANDRÉANNE BRAZEAU

Andréanne Brazeau, analyste politique en mobilité durable chez Équiterre

Ce que le rapport nous dit, c’est que le statu quo en matière de politiques publiques est insuffisant.

Andréanne Brazeau, d’Équiterre

Quant aux initiatives municipales d’électrification des transports, la firme évoque la « zone zéro émission » au centre-ville qu’envisage la Ville de Montréal, avec des stationnements réservés aux véhicules électriques, des mesures de mobilité active et un meilleur accès aux infrastructures de recharge.

« Un des gros problèmes à Montréal, c’est l’installation d’infrastructures de recharges pour les immeubles multilogements ; il en manque », estime Daniel Breton, président-directeur général de Mobilité électrique Canada, organisation à but non lucratif vouée à la promotion de l’électromobilité.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Stationnement réservé pour la recharge de véhicules électriques

« Il faut faire tomber les barrières en utilisant des terrains, de la Ville ou privés, ou des stationnements souterrains, pour mettre des bornes de recharge rapide », illustre-t-il.

Réduction des émissions de GES

L’augmentation du nombre de véhicules électriques entraînera une réduction significative des émissions de GES de la CMM, qui regroupe 82 municipalités totalisant la moitié de la population du Québec.

Même dans le scénario le plus modéré, avec le maintien des engagements actuels, la réduction serait de 8 %, contre 12 % dans le scénario avec des engagements améliorés et un contexte mondial favorable.

Dans le scénario le plus optimiste, qui inclut des politiques publiques municipales, la réduction serait de 13 %.

Mais « l’électrification du parc automobile, même en entier, ne va pas tout régler, les réductions [des émissions] de GES ne seront pas suffisantes pour atteinte les cibles de réduction », constate Andréanne Brazeau.

« Au-delà de l’électrification des véhicules, il va falloir aussi réduire le nombre de véhicules, et ça, ça va passer par le transport actif, le transport collectif, dit-elle. Même pour le transport de marchandises, il faudra repenser la façon dont on fait la livraison dans la région de Montréal. »

Il faut aussi encourager l’électrification des services d’autopartage et de covoiturage, qui peuvent à la fois réduire les émissions de GES et la congestion routière, affirme Daniel Breton, qui déplore les limites actuelles.

Si une compagnie comme Communauto veut acheter des véhicules électriques, après 10 autos, elle n’a plus droit aux rabais [gouvernementaux]. Pour moi, ça n’a pas de sens.

Daniel Breton, de Mobilité électrique Canada

Plus forte augmentation en banlieue

L’augmentation des ventes de véhicules électriques s’annonce plus forte en banlieue qu’à Montréal, calcule Dunsky, qui postule que leurs succès de ventes sont liés à des distances de conduite plus élevées, à la présence de maisons unifamiliales, qui facilitent l’accès à la recharge à domicile, et à la présence élevée de ménages aisés, pour qui le coût d’achat est moins un obstacle.

Pourtant, les économies de carburant et d’entretien réalisées par les propriétaires de véhicules électriques se traduisent par un retour sur l’investissement après trois à six ans pour tous les segments de véhicules légers, note la firme.

Le prix d’achat d’un véhicule demeure un critère de décision plus important pour les consommateurs que le coût total de possession, au détriment de l’adoption des véhicules électriques légers.

Extrait du rapport de Dunsky

En revanche, les consommateurs commerciaux, eux, basent davantage leurs décisions d’achat sur le coût total de possession, ce qui favorisera l’adoption de véhicules électriques lourds, prévoit Dunsky, qui attribue plutôt la lenteur de la progression des ventes dans cette catégorie au faible choix de véhicules électriques et à la taille importante des batteries requises.

Avec William Leclerc, La Presse

Montréal presse Québec et Ottawa d’en faire plus

L’administration Plante se félicite que le rapport de la firme Dunsky souligne que certaines de ses actions prévues pourraient favoriser l’adoption des véhicules électriques, notamment la création d’une zone zéro émission au centre-ville et le déploiement de bornes de recharge, mais reconnaît que cela ne mènera pas à une réduction suffisante des émissions de gaz à effet de serre. « Une chose est certaine, pour que nous soyons en mesure d’atteindre nos cibles à Montréal, les autres [ordres] de gouvernement doivent emboîter le pas et accélérer la cadence », a déclaré à La Presse Marikym Gaudreault, attachée de presse du cabinet de la mairesse, rappelant que Montréal vise à ce que la moitié du parc automobile de la métropole soit constitué de voitures électriques en 2030.

En savoir plus
  • 750 000
    Projection du nombre de véhicules électriques immatriculés dans la Communauté métropolitaine de Montréal en 2030, selon le scénario optimiste
    SOURCE : Dunsky