Les deux disent vouloir dialoguer, mais aucune solution n’est proposée. Pendant que le promoteur derrière un centre de transbordement de conteneurs dans Hochelaga appelle au dialogue, l’arrondissement réitère qu’il souhaite définir un « cadre de travail » clair. Une rencontre doit avoir lieu au début de juin, alors que la mobilisation citoyenne contre le projet prend de l’ampleur.

Ray-Mont Logistiques, d’un côté, affirme avoir tenté à maintes reprises de s’asseoir avec la Ville pour trouver des solutions, en vain. « On veut faire des mesures de mitigation, mais on a les mains liées. La réalité, c’est qu’on ne peut pas déroger du plan émis il y a plusieurs années, avant la judiciarisation du dossier. C’est pour ça qu’on a besoin de la Ville », soutient le PDG de l’entreprise, Charles Raymond, qui doit s’exprimer ce lundi devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

En 2016, son groupe a acquis un terrain industriel désaffecté, près du port de Montréal et d’une gare de triage du CN, afin d’y construire une plateforme de transbordement de marchandises. L’année suivante, les permis nécessaires à l’aménagement du terrain ont été refusés par l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve. Le promoteur s’est alors adressé aux tribunaux pour contester la décision. La Cour supérieure, en 2018, puis la Cour d’appel du Québec, en janvier dernier, lui ont donné raison.

Alors que les travaux pourraient commencer dès juillet sur le site, des centaines de résidants de l’arrondissement ont manifesté la semaine dernière contre le projet, jugeant son développement « complètement inacceptable ». « Il n’y a jamais vraiment eu de projet, ni de dialogue. Ce que veut le promoteur, c’est de se faire signer un chèque en blanc qui détruirait notre milieu de vie à grande échelle », affirme la porte-parole de l’organisme Mobilisation 6600, Anaïs Houde.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Manifestation citoyenne organisée par Mobilisation 6600 en opposition au projet de transbordement de marchandises de Ray-Mont Logistiques dans Hochelaga, le 8 mai dernier

Charles Raymond, lui, assure que des solutions existent. « On a proposé plusieurs fois à la Ville d’implanter un talus végétalisé qui mitigerait le bruit et les nuisances, mais il n’y a jamais eu de réponses. On veut bien le faire. Mais pour ça, il faut s’asseoir, discuter », plaide-t-il. « On est enclavés entre plusieurs gros joueurs institutionnels ou privés qui, peu importe ce qu’on fera, doivent être impliqués dans la solution. Le seul joueur qui peut changer la donne, c’est la Ville », persiste M. Raymond.

Je participe depuis le début à la table de concertation avec les citoyens. Les gens, je les ai rencontrés. On veut une solution. Je comprends que le projet fait peur à des gens, mais on peut encore bien le faire.

Charles Raymond, de Ray-Mont Logistiques

Selon la Ville, une rencontre avec le promoteur est prévue le 2 juin. L’arrondissement, lui, demeure prudent, renvoyant à une déclaration du maire d’Hochelaga, Pierre Lessard-Blais, datant de la fin d’avril, où il réitère son invitation au promoteur à « développer un projet de concert avec les citoyens ». « En janvier, j’ai rencontré Charles Raymond afin de rouvrir le dialogue, lui offrir la collaboration de la Ville et inviter son entreprise à s’asseoir avec les citoyens », dit l’élu, qui rappelle que « plutôt qu’établir un véritable dialogue », l’entreprise a décidé de poursuivre la Ville et de lui réclamer 373 millions en dommages, début mars.

« Cette poursuite, elle nous bâillonne. Quand on essaie de parler avec les députés du provincial ou du municipal, on se fait constamment répondre que c’est judiciarisé. Tous les élus sont bloqués par sa poursuite, mais après, il nous dit vouloir discuter ? C’est insultant », fustige Anaïs Houde à ce sujet.

Le spectre du REM

Au fil des années, des changements d’orientation urbanistique pour le secteur L’Assomption-Sud et des litiges judiciaires, l’avenir des terrains de Ray-Mont Logistiques a fait l’objet de bien des débats, qui ont été relancés de plus belle avec la publication du tracé du futur Réseau express métropolitain (REM) de l’Est, en décembre.

Le tracé du REM, rendu public par la Caisse de dépôt, longera le futur boulevard L’Assomption, entre les rues Hochelaga et Notre-Dame. Il amputera la propriété de Ray-Mont Logistiques d’une large superficie en façade du boulevard. C’est 36 % du terrain qui est ainsi placé sous réserve foncière.

Une question demeure donc : avec plus du tiers de son site inexploitable, Ray-Mont Logistiques peut-il encore exploiter une gare de triage de façon profitable sur ces terrains ? « Notre plan devient encore plus complexe, puisque l’entrée de nos camions est dans cette réserve. Presque la moitié du site ne peut donc être opérationnelle pour le moment », avoue à ce sujet M. Raymond.

Dans le quartier, élus et gens d’affaires se demandent si Charles Raymond tient vraiment encore à poursuivre un projet aussi impopulaire, ou s’il cherche à tirer profit de l’attractivité du terrain pour le vendre le plus cher possible.

Le tracé du futur métro de surface de la Caisse prévoit par ailleurs une station « possible » nommée Viauville dans ce secteur. Mais selon les plans déposés, cette station serait située quelque part au sud du terrain de Ray-Mont Logistiques. Sa localisation soulève bien des questions, car elle serait située en plein cœur d’un secteur essentiellement industriel, où le nombre d’emplois ne justifie pas sa présence et où les résidants les plus proches vivent séparés de la station par la gare de triage.

Un résidant de longue date du secteur a évoqué une possible relocalisation de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont dans le secteur L’Assomption-Sud, sur l’un des rares terrains capables d’accueillir un tel projet dans l’est de Montréal. L’emplacement de l’hôpital, a-t-il fait remarquer, justifierait amplement la présence d’une station du REM.