Les élus de la métropole ont demandé au gouvernement du Québec de bannir toute chasse dans l’île de Montréal, à l’initiative d’une mairesse de banlieue qui craint un accident grave.

Paola Hawa, qui dirige la municipalité de Sainte-Anne-de-Bellevue depuis 2013, a réussi à convaincre ses collègues qu’une telle interdiction était nécessaire, jeudi soir, lors de la réunion du conseil d’agglomération de Montréal.

« Quand on habite dans le nord de Sainte-Anne, on les entend, les fusils. C’est évident qu’ils sont là », a indiqué Mme Hawa en entrevue téléphonique avec La Presse. « C’est une question de sécurité, c’est aussi simple que ça. Faire de la chasse sur le mont Royal, ça n’a pas de sens. C’est la même chose pour l’Ouest-de-l’Île. »

La municipalité de Mme Hawa est située à l’extrémité de l’île de Montréal et comprend de grands secteurs boisés. Par endroits, on pourrait se croire à la campagne.

Mais ces boisés sont utilisés par les promeneurs, de plus en plus nombreux depuis le début de la pandémie. Ils sont souvent à proximité de maisons – et même d’une école.

« La sécurité et le sentiment de sécurité des Montréalais doivent être la priorité numéro un », a-t-elle ajouté jeudi soir, devant ses collègues.

Il y a une problématique. Il ne faut pas attendre l’irréparable avant de poser un geste. Je veux pouvoir dire que j’ai fait tout en mon pouvoir pour protéger mes citoyens.

Paola Hawa, mairesse de Sainte-Anne-de-Bellevue

Quelques minutes plus tard, les membres du conseil d’agglomération – composé de 15 élus de la ville de Montréal et des maires des 14 autres municipalités de l’île – ont adopté sa résolution. Elle concerne la chasse à l’arme à feu, mais aussi la chasse à l’arc et à l’arbalète, ainsi que le piégeage.

Le statu quo « fonctionne bien », disent les chasseurs

Les élus montréalais ont demandé au gouvernement du Québec d’agir parce que leur pouvoir réglementaire est limité. Il est déjà interdit de décharger une arme à feu sur le territoire de la Ville de Montréal et d’autres municipalités interdisent la chasse à moins de deux kilomètres de toute résidence. Mais comme la loi provinciale autorise cette activité pour les titulaires d’un permis de chasse, les policiers qui tentent de faire appliquer les règles se retrouvent pris entre l’arbre et l’écorce. D’où la demande à Québec de clarifier la situation.

Pour la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs (FQCP), le statu quo ne posait pas de problèmes réels.

« Les Villes ont les outils réglementaires pour restreindre l’utilisation des engins de chasse. C’est clair pour nous que ça fonctionne bien, il y a plusieurs villes qui utilisent déjà ces outils-là », a indiqué Stéphanie Vadnais, porte-parole de l’association.

Les enjeux de sécurité, c’est la police qui s’en occupe.

Stéphanie Vadnais, porte-parole de la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs

L’organisation ne compile pas de statistiques sur le nombre de personnes qui chassent dans l’île de Montréal, mais Mme Vadnais a souligné que 70 % de la chasse au Québec se déroulait en milieu périurbain. Elle a ajouté qu’il existait de graves problèmes de gestion de la faune dans certaines zones de banlieue, comme en témoignent les cerfs de Longueuil qui ont fait la manchette l’automne dernier.

Même son de cloche de la part de Jean-François Pilon, 60 ans, qui s’inquiète aussi pour le contrôle de la faune. Il pratique la chasse au canard sur les rives de la rivière des Prairies depuis des décennies.

La prise de position du conseil d’agglomération, « je n’aime pas ça, c’est sûr et certain », a-t-il dit, jeudi, en entrevue téléphonique, soulignant que la plupart de ceux qui chassent encore le chevreuil à Montréal le font à l’arc. « Je faisais de la trappe, je faisais de la chasse dans un temps où c’était bien vu. On partait avec notre fusil sur l’épaule sur le boulevard Gouin, et c’était une activité familiale et amusante. Aujourd’hui, si je suis habillé en camouflage, je passe pour un meurtrier. »

« La grand-ville de Montréal a pris la place et nous a tassés. D’année en année, on nous tasse de plus en plus loin », a continué M. Pilon, résigné. « C’est sûr que mes petits-enfants n’auront pas la chance de faire ce que moi j’ai fait. »