L’administration Plante écarte l’idée d’imposer une taxe supplémentaire aux propriétaires de locaux commerciaux laissés vacants, mais veut serrer la vis à ceux qui ne les entretiennent pas adéquatement et entend mieux contrôler les baux.

C’est ce que révèle un document que La Presse a obtenu.

Montréal espère mettre de l’ordre dans le « Far West » du monde de l’immobilier commercial, avec une cible en tête : le promoteur qui fait exploser le prix de son local après avoir un attiré un jeune commerce avec un tarif alléchant.

L’équipe de Valérie Plante a pris position dans un document qui répond aux recommandations de sa Commission sur les locaux vacants, lancée en 2019 alors que la dévitalisation des artères marchandes de Montréal – liée notamment au commerce en ligne – faisait la manchette.

Ce groupe a terminé ses travaux au printemps dernier et l’administration y répond à présent point par point. Selon nos informations, le document sera rendu public ce mercredi matin.

Pour les prochaines années, étant donné le coup dur de la pandémie, l’idée d’une taxe sur la vacance est hors de question, a expliqué Luc Rabouin, responsable du développement économique. « On ne dit pas que ce n’est pas une mesure pertinente éventuellement, mais cette année et l’année prochaine, tant qu’on n’est pas bien remis de la crise, ce n’est pas pertinent à court terme », a-t-il expliqué à La Presse. La mairesse Plante s’était aussi exprimée contre l’idée au cours des derniers mois.

Encadrement

Le document montre que Montréal voudrait que le gouvernement du Québec réfléchisse à la possibilité d’encadrer les loyers commerciaux un peu comme on le fait pour les loyers résidentiels.

Mais la première étape vers cet objectif, selon le comité exécutif, c’est l’encadrement des baux commerciaux sur la forme. Les élus ont notamment décidé de créer un registre des locaux commerciaux vacants et aimeraient qu’un modèle type de bail commercial – comme il en existe pour les baux résidentiels – soit établi. Ils envisagent aussi d’imposer l’affichage d’un panneau standard dans la vitrine des locaux vacants et aimeraient que les baux commerciaux de plus d’un an soient obligatoirement inscrits au Registre foncier, au même titre qu’un acte de vente ou qu’une hypothèque.

« Les commerçants qui doivent négocier leur bail en démarrant n’ont ni l’expertise juridique ni les moyens de se payer des avocats pour négocier. Donc ils vont souvent signer un bail sans comprendre l’ensemble des clauses », a expliqué M. Rabouin, qui croit qu’un bail standard réglerait en grande partie le problème.

On veut protéger les entrepreneurs, parce qu’on a vu des entreprises qui arrivent à l’échéance de leur bail de cinq ans et dont le propriétaire décide de doubler ou tripler le loyer, sans aucun recours pour l’entreprise.

Luc Rabouin, responsable du développement économique de Montréal

« Il faut protéger, d’une certaine manière, les entrepreneurs qui mettent toutes leurs énergies et toutes leurs ressources dans un projet. Quand tu développes un commerce, ce n’est pas vrai qu’après cinq ans tu peux déménager comme ça », a-t-il continué. « Actuellement, c’est inexistant. »

Serrer la vis

En attendant, l’administration Plante veut serrer la vis aux propriétaires négligents qui laissent leurs locaux à l’abandon, souvent dans un contexte de spéculation. La Commission sur les locaux vacants a montré du doigt l’impact visuel que peuvent avoir des emplacements vacants en mauvais état sur l’image de l’ensemble d’une artère commerciale.

Une solution : que Montréal se dote d’un règlement pour forcer les propriétaires à intervenir – ou même pour intervenir à sa place et lui refiler la facture – en qualifiant de « nuisance » le mauvais entretien, au même titre qu’une infestation de rats ou un mur de briques dangereux.

« Ça nous ferait un outil supplémentaire pour être capables d’intervenir, parce qu’en ce moment, on n’en a pas », a expliqué Luc Rabouin. « On ne peut même pas aller nettoyer [la vitrine d’un propriétaire négligent], par exemple, sans avoir son autorisation. Il faut qu’on trouve des moyens réglementaires pour obliger à le faire, parce que sinon, il nuit à ses voisins. »

À plus long terme, le conseil exécutif veut aussi réfléchir à la possibilité de réduire la taille de certaines rues marchandes afin de concentrer les commerces dans une zone plus petite et d’affecter à d’autres utilisations – le logement par exemple – le reste des locaux. La possibilité de créer des fiducies qui achèteraient et géreraient une partie du parc immobilier commercial intéresse aussi l’administration Plante.